Le droit à l’autodétermination protège les peuples contre le pillage de leurs richesses par les tyrans qui les oppriment. Le peuple kabyle doit user de ce droit pour recouvrer sa souveraineté sur ses ressources naturelles et assurer son propre développement économique, social, culturel et politique.
24/10/2013 - 00:02 mis a jour le 23/10/2013 - 13:15 par Youcef Oudjedi
Introduction
Le dernier conseil national du MAK, qui s’est tenu le 04 octobre dernier, a permis une évolution significative et a décidé de remplacer l’appellation du Mouvement pour l’Autonomie de la Kabylie (MAK) par le Mouvement pour l’Autodétermination de la Kabylie (MAK). Ce « Changement de notre option de lutte et la nature de notre revendication » est motivé par l’internationalisation de la cause kabyle ainsi que l’émergence de nouvelles options autres que l’Autonomie dans la mouvance kabyliste.
Le droit aux peuples à disposer d’eux-mêmes (autodétermination) est la colonne vertébrale du droit international, d’où en découle les autres droits. La charte des nations unies a permis à une demie centaine de pays de retrouver l’aspect le plus fondamental de ce droit : la souveraineté. Les pays qui aspiraient à s’émanciper du joug colonial ont recouru à cet instrument de décolonisation dès son adoption en 1945.
Ce principe qui constitue le point cardinal du droit international est la résolution onusienne la plus révolutionnaire du droit contemporain. Après la chute du mur de Berlin, le droit des peuples à l’autodétermination a servi de base juridique et politique dans la naissance de tant de « nouveaux » Etats.
Ce droit est consacré par la totalité des conventions et pactes internationaux ou régionaux, ainsi on le retrouve dans de nombreux instruments internationaux comme :
· La Charte de l’ONU ;
· Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques ;
· Le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels ;
· La Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux ;
· La Déclaration relative aux principes du droit international touchant les relations amicales et la coopération entre les États ;
· La Déclaration des droits des personnes appartenant à des minorités nationales ou ethniques, religieuses et linguistiques ;
· La Déclaration sur le progrès et le développement dans le domaine social.
· La Déclaration universelle des droits de l’homme.
Sur le plan régional on peut citer la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples. La constitution algérienne l’a même adopté dans son article 27.
Nous aurons à traiter quelques questions qui gravitent autour de ce droit qui ne cesse de redéfinir la carte géopolitique du monde depuis le milieu du siècle dernier. Cet exposé s’appuie et s’inspire principalement de l’analyse et l’examen des textes pertinents cités plus haut.
Le droit à l’autodétermination
« Développer entre les nations des relations amicales fondées sur le respect du principe de l’égalité de droits des peuples et de leur droit à disposer d’eux-mêmes, et prendre toutes autres mesures propres à consolider la paix du monde, » est le deuxième but proclamé dans La charte des Nations Unies. Elle réitère ce droit à l’article 55 au Chapitre IX : Coopération économique et sociale internationale. La question ou la différence entre le projet du MAK et les autres organisations politiques dites « à ancrage kabyle » est là : Kabylie : peuple ou minorité ethnique ?
La Déclaration des droits des personnes appartenant à des minorités nationales ou ethniques, religieuses et linguistiques, dans son premier article : « 1. Les Etats protègent l’existence et l’identité nationale ou ethnique, culturelle, religieuse ou linguistique des minorités, sur leurs territoires respectifs, et favorisent l’instauration des conditions propres à promouvoir cette identité.
2. Les Etats adoptent les mesures législatives ou autres qui sont nécessaires pour parvenir à ces fins ».
La Kabylie si elle accepte d’être une minorité n’aura qu’à demander d’appliquer cet article et les articles qui s’en suivent afin « de jouir de leur propre culture, de professer et de pratiquer leur propre religion et d’utiliser leur propre langue, en privé et en public, librement et sans ingérence ni discrimination quelconque ». (Article 2 Déclaration des droits des personnes appartenant à des minorités nationales ou ethniques, religieuses et linguistiques).
Cela n’a aucun sens vu que dans le cas de l’Algérie, il n’y a pas de minorité tout simplement parce qu’il n’existe aucune majorité. Les kabyles ne vivent pas au milieu d’un peuple unique mais avec plusieurs peuples. L’Algérie est un pays multiethnique.
Il faut savoir que toute minorité ethnique constitue un peuple à part entière, ce qui fait des minorités des peuples minorés dont la plupart sont spoliés de leurs véritables identités.
Le droit à l’autodétermination offre la possibilité d’intégrer un Etat indépendant en acceptant de vivre avec la majorité et dans l’Histoire aucun référendum n’a été proposé aux Kabyles pour faire un tel choix et se fondre dans une Algérie arabo-musulmane qui s’est substituée à l’Algérie française. Or ce même droit octroie aux peuples d’autres options comme l’autonomie ou l’indépendance. Le régime raciste d’Alger a confisqué au peuple kabyle le droit de décider de son destin et de son avenir. Le MAK oeuvre justement pour réhabiliter le peuple kabyle dans son droit de choisir librement et souverainement le statut politique qui lui sied.
La Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples protège les peuples autochtones dans ses articles 19 à 24. Ainsi le peuple Kabyle répond aux caractéristiques principales de définir un peuple autochtone à savoir l’autodéfinition, le profond attachement à la terre, le patrimoine traditionnel et l’expérience de marginalisation, ségrégation, expropriation, dépouillement et d’exclusion.
La Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones est tout aussi explicite dans son article 3 où elle accorde clairement le droit à l’autodétermination des peuples autochtones dont voici l’énoncé : « Les peuples autochtones ont le droit à l’autodétermination. En vertu de ce droit, ils déterminent librement leur statut politique et assurent librement leur développement économique, social et culturel ».
Le premier Article du pacte international relatif aux droits politique et civils , relatif aux droits économiques, sociaux et culturels commence par : « Tous les peuples ont le droit de disposer d’eux-mêmes. ».
Balkanisation ?
L’héritage des frontières géométriques que les forces coloniales ont concédé aux Etats post-coloniaux est une vraie menace pour la stabilité du continent africain. Cependant, cette instabilité planifiée permet aux anciennes puissances coloniales d’instaurer leur néo-colonialisme pour continuer à confisquer les richesses et les ressources naturelles des peuples.
De nombreux peuples restent non seulement marginalisés et non reconnus mais pire encore, ils sont éparpillés sur plusieurs Etats post-coloniaux. L’Algérie à l’instar des pays multiethnique, mène une politique d’exclusion et de négation à l’égard des citoyens ne se définissant pas comme Arabe et musulman. Le clan d’Oudjda s’accapare de l’appareil étatique qu’il utilise pour marginaliser encore plus les autochtones.
L’autodétermination est un processus de démocratisation et non pas de balkanisation. Les seuls à s’opposer aux mouvements des peuples pour recouvrer leurs souverainetés respectives sont ceux qui exploitent ces peuples livrés à eux-mêmes.
Souveraineté économique
Au temps de la mondialisation et des puissances économiques mondiales la lutte pour la reconnaissance du peuple kabyle dans le concert des nations passe inéluctablement par la souveraineté économique.
La contribution : « Economie kabyle : perspectives de développement durable », réalisé par le président du MAK, Bouaziz Ait Chebib,(http://www.makabylie.info/spip.php ?...), nous renseigne sur les potentialités et capacités du territoire kabyle et des ressources exploitables dès l’accession de la Kabylie à sa souveraineté politique.
La Kabylie vit un marasme économique et social au quotidien, le régime colonial d’Alger dépêche, mobilise et déploie tous ces moyens pour soumettre le peuple kabyle.
Vu l’attachement à la terre, l’agriculture est la première vocation de la population. L’Etat algérien n’accorde aucun intérêt au développement agricole. Mais pas seulement, puisqu’il y a tant d’autres domaines comme le tourisme, les ressources minières, la pêche et les entreprises portuaires .. qu’Alger essaye d’étouffer. Même si le territoire kabyle répond aux mieux à une exigence industrielle, le pouvoir infâme trouve le moyen de déplacer, de détourner le projet de la Kabylie vers une autre région. Les investisseurs Kabyles voient souvent leurs projets bloquées et sont poussés pour aller investir ailleurs.
Pour les investisseurs étrangers l’Etat algérien leur a imposé des conditions de travail intenables pour les faire déloger tout en prenant soins de leur promettre un « paradis fiscal » et de meilleures conditions ailleurs qu’en Kabylie.
La déclaration du Droit au Développement stipule dans son article 8 : « 1. Les Etats doivent prendre, sur le plan national, toutes les mesures nécessaires pour la réalisation du droit au développement et ils assurent notamment l’égalité des chances de tous dans l’accès aux ressources de base, à l’éducation, aux services de santé, à l’alimentation, au logement, à l’emploi et à une répartition équitable du revenu. Des mesures efficaces doivent être prises pour assurer une participation active des femmes au processus de développement. Il faut procéder à des réformes économiques et sociales appropriées en vue d’éliminer toutes les injustices sociales ». Le pouvoir Algérien fait en Kabylie exactement le contraire de cet article.
Dans le paragraphe 2 du premier article de la même déclaration, on peut explicitement lire « Le droit de l’homme au développement suppose aussi la pleine réalisation du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, qui comprend, sous réserve des dispositions pertinentes des deux Pactes internationaux relatifs aux droits de l’homme, l’exercice de leur droit inaliénable à la pleine souveraineté sur toutes leurs richesses et leurs ressources naturelles ».
La charte africaine des Droits de l’Homme et des Peuples prévoit dans son article 21 ce qui suit : «
1. Les peuples ont la libre disposition de leurs richesses et de leurs ressources naturelles. Ce droit s’exerce dans l’intérêt exclusif des populations. En aucun cas, un peuple ne peut en être privé.
2. En cas de spoliation, le peuple spolié a droit à la légitime récupération de ses biens ainsi qu’à une indemnisation adéquate ». Tout en assurant préalablement le droit à l’autodétermination et le droit au développement, comme stipule l’article 20 : « Tout peuple a droit à l’existence. Tout peuple a un droit imprescriptible et inaliénable à l’autodétermination. ll détermine librement son statut politique et assure son développement économique et social selon la voie qu’il a librement choisie ».
Le droit à l’autodétermination protège les peuples contre le pillage de leurs richesses par les tyrans qui les oppriment. Le peuple kabyle doit user de ce droit pour recouvrer sa souveraineté sur ses ressources naturelles et assurer son propre développement économique, social, culturel et politique.
Le processus référendaire
Vu le caractère colonial, inégalitaire et discriminatoire du régime algérien, la Kabylie doit exiger son droit à un référendum d’autodétermination, du fait qu’elle constitue une entité différente du reste des peuples d’Algérie.
Vu que l’Etat algérien est un Etat voyou qui ne respecte aucune règle ni engagement, le peuple kabyle n’a pas d’autre choix que de recourir à l’arbitrage international. Toute négociation avec le pouvoir algérien doit se faire dans la transparence et sous l’égide de l’ONU. Comme nous l’avons vu précédemment, l’un des buts de cette organisation est : « le principe de l’égalité de droits des peuples et de leur droit à disposer d’eux-mêmes (article 1, alinéa 2) ».
Ce principe est l’ennemi numéro 1 des régimes totalitaires qui gouvernent les États post-coloniaux à l’instar de l’Algérie. Ils considèrent toute démarche allant dans le sens de l’émancipation des peuples auxquels ils ont confisqué la liberté comme ingérence dans leurs affaires internes.
Le 17 février 2008, le parlement du Kosovo a proclamé unilatéralement l’indépendance du territoire de la Serbie et bien sûr l’Algérie s’oppose et soutien que le Kosovo est partie intégrante de la Serbie.
La souveraineté des « pseudo-Etats » prévaut sur le droit à l’autodétermination
La kabylie n’a pas d’autre alternative que d’internationaliser sa cause afin de bénéficier d’un soutien de la communauté internationale afin de sortir du huis-clos Algérien et s’inscrire dans le cadre du droit international. C’est le seul moyen d’arracher son droit à l’autodétermination qui passe impérativement par la mobilisation populaire.
Désormais, le combat, doit être mené sur deux fronts : le front algérien en mobilisant le peuple kabyle en faveur de son droit de décider de son avenir, et le front international en consolidant le travail diplomatique de l’Anavad.
Même si par intérêts, certaines puissances mondiales font passer l’intégrité territoriale des Etats (existants) avant les droits des peuples sous « domination », rien ni personne ne pourra arrêter la marche d’un peuple vers sa libération.
Conclusion
Il est clair que le peuple kabyle remplit tous les critères lui permettant de défendre son droit en tant que peuple et nation à retrouver sa souveraineté et de mener à terme politiquement son combat.
Aucune paix dans le monde n’est possible sans le respect du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.
L’Afrique façonnée injustement par les anciennes puissances coloniales conformément à leurs intérêts finira par être restituée à ses peuples. L’Afrique des peuples se substituera à l’Afrique des États. Le peuple kabyle pourrait bien être la locomotive de cette dynamique de libération.
En exerçant son droit à l’autodétermination , la Kabylie s’engage à œuvrer dans le sens du développement durable en édifiant un Etat libre et souverain , un Etat de droit et de justice, un Etat démocratique et laïque.
Vive la Kabylie libre et souveraine.
Youcef OUDJEDI