dimanche 22 décembre 2013

"Assumer notre identité" | Tamurt.info - Votre lien avec la Kabylie

Contribution

"Assumer notre identité"

Madjid Aït Mohamed
"Nous sommes tous amazighs quelles que soient nos origines à titre individuel. Nous ne sommes ni une race pure, ni une ethnie fermée et portée de dégénérescence ; nous sommes le produit de notre histoire, nous n’avons pas à inventer une autre histoire, fut-elle glorieuse. L’amazighité, aujourd’hui brimée, ne peut se comporter en identité meurtrière au sens de Amine Malouf parce qu’une identité n’est meurtrière qu’à l’extérieure de ses frontières. Nous, nous voulons retrouver nous même et pas agresser les autres".
22/12/2013 - 00:05 mis a jour le 21/12/2013 - 20:57 par Madjid Ait Mohamed

ASSUMER NOTRE IDENTITE
Maroc du 13 - 12 au 16 12 2013

Voilà, plus d’un demi siècle depuis que nous avons recouvré notre souveraineté sur nos territoires et nous réalisons que l’indépendance ne signifie pas la liberté. L’autoritarisme autochtone s’est substitué à l’autoritarisme étranger.
Sur le plan identitaire, notamment dans le sous continent nord africain, nous avons assisté carrément à un viol des consciences. Une identité baathiste s’est substituée par la violence à l’identité historique qu’est l’amazighité. Pendant des décennies cette dernière a été niée, vouée à l’opprobre ; ses partisans ont subi les pires sévices, exécutés dans l’anonymat.
Mais la ténacité dans la lutte, l’avancée des principes démocratiques dans le monde laissent entrevoir des perceptions prometteuses. Du moins formellement, elle commence à être reconnue au Maroc, en Algérie, en Libye. Les autorités locales restent très loin de l’assumer. Par contre, ces mêmes autorités font état du caractère impératif d’une démocratisation pour réaliser le développement économique et social de chacun des pays et assurer une forme supérieure de cohésion sociale.
Dans cet ordre d’idées, l’amazighité s’avère indissociable de la démocratie qui s’entend comme une somme de valeurs que respecte la communauté et non comme l’organisation de scrutin (vote) qui ne changent rien. Sans démocratie, les attaques au grand jour et le plus souvent sournoises continueront à frapper l’amazighité. On le remarquera, tamazight n’est pas plus officielle dans les faits au Maroc qu’elle n’est national en Algérie.
Partout, aux Iles Canaries, au Sahel, en Egypte et en Afrique du nord, la disparition de tamazight est programmée. Un exemple parmi tant d’autres ; il y a un mois à Khenchela (Algérie), on continue à demander des autorisations paternelles aux élèves apprenant tamazight, et l’enseignement se réduit à deux heures par semaine, dispensé de façon éparse, facultatif, quand il fait beau et qu’il y a un budget pour rémunérer l’enseignant
Sans démocratie, il n’y a pas de citoyen ; l’individu, dépourvu de personnalité est réduit à un non être. En réalité, il n’a même pas une identité baathiste, encore moins une identité amazighe laquelle, est perçue comme ennemie intérieure. Dans ce cas, toute élévation du niveau culturel de la population est combattue. Sans démocratie, la promotion identitaire reste problématique. La rente sur le plan économique est consacrée à l’entretien des appareils répressifs et non à la promotion de la rationalité, de la culture. Et c’est l’amazighité qui sera annihilée, sinon réduite à la portion congrue.
Sans démocratie le chaos qui s’annonce partout dans nos contrées est lourd de périls. Il est fort à craindre que l’amazighité continue à être présentée comme un facteur de division, les pouvoirs en place s’arrogeant la fonction factice d’arbitre et de cohésion nationale. En somme, la reconnaissance pleine et entière de l’amazighité constitue un excellent indicateur de l’avancée et de l’ancrage démocratique dans nos structures sociales, car il est indéniable que sans l’amazighité qui demeure le socle sur lequel est basé nos contrées, la démocratie n’est qu’un leurre.
Nous sommes tous amazighs quelles que soient nos origines à titre individuel. Nous ne sommes ni une race pure, ni une ethnie fermée et portée de dégénérescence ; nous sommes le produit de notre histoire, nous n’avons pas à inventer une autre histoire, fut-elle glorieuse. L’amazighité, aujourd’hui brimée, ne peut se comporter en identité meurtrière au sens de Amine Malouf parce qu’une identité n’est meurtrière qu’à l’extérieure de ses frontières. Nous, nous voulons retrouver nous même et pas agresser les autres.
L’amazighité est un rattachement à un passé « Les hommes libres » se définissaient ainsi par rapport aux sociétés environnantes où l’esclavage était endogène à savoir le long du Nil et le long du Niger, des terres très riches exploitables par une main d’œuvre servile. Chez nous, nos montagnes, aux sols pauvres, nos plaines exigües et nos plateaux parvenaient juste à nous nourrir.
L’amazighité c’est aussi recouvrer une personnalité pour être acteur dans l’histoire, jusqu’à présent a été violée. On a cru peut être bien faire ! Cette dérive a été bien résumée par Alexandre Dumas ’’Il est permis de violer l’histoire à condition de lui faire de beaux enfants’’… Et en Afrique du nord, accoucher d’un Ben Bella, Ben Ali, Kadhafi, Moubarak et de la nouvelle classe dirigeante issue de la révolte nord africaine qualifiée honteusement d’arabe ainsi que de toute cette panoplie d’hommes politiques marocaine amazighophobes dont la liste a été publiée sur la toile par ‘’Amazigh World’’ n’est pas du tout beau. Sans amazighité, on ne peut parler de démocratie, de participation au cours de l’histoire contemporaine.
Je ne voudrais pas conclure sans citer une pensée de Saint Exupery qui s’intègre dans ce contexte « Je les ai toujours trouvés pauvres ceux qui ne savaient pas de quoi ils étaient solidaires. Je les ai vus se chercher une famille, une patrie, une religion ; mais ils n’y a d’accueil vrai que dans la racine. Si tu sais le découvrir branche, bien accrochée à l’olivier, tu goutteras dans tes balancements l’éternité ». Des oliviers, ce n’est pas ce qui manque chez nous !!!!
Madjid Ait Mohamed
Algérie -

jeudi 19 décembre 2013

Par Sakina Ait Ahmed :« Quel avenir pour la Kabylie? »

Par Sakina Ait Ahmed :« Quel avenir pour la Kabylie? »

19/12/2013 - 10:03

(SIWEL) — «Sans douter de la bonne foi des initiateurs de cette pétition je me suis questionnée sur les raisons de cet amour soudain et intérêt pour Tamazight par ces partis alors qu'il n'y a pas si longtemps, le Président issu du FLN est venu provoquer les kabyles à Tizi Ouzou en proclamant que « de son vivant Tamazight ne sera jamais langue officielle ». Dans son sillage un autre présidentiable-FLN envisage de soumettre son officialisation à référendum. »


Quel avenir pour la Kabylie ? (PH/DR)
Quel avenir pour la Kabylie ? (PH/DR)
Est-il inéluctable que nous continuions à vivre sous la domination de ce pouvoir, qui a programmé notre disparition? Il se trouve que chaque jour qui passe nous démontre qu'il est indispensable que nous prenions notre destin, notre avenir en main. Mais comment?

Le débat récent sur la demande d'officialisation de Tamazight est une illustration parfaite de l'impasse actuelle face à ce pouvoir dictatorial. Il est vrai qu'au moment où la pétition a été proposée, je me suis dit : Après tout pourquoi pas! Chacun est libre de proposer ce qu'il pense être une solution. Mais lorsque le FLN a commencé à agiter la proposition d'un quatrième mandat du Président actuel tout de même diminué, je me suis posée des questions!

Mieux encore, lors de la réunion, organisée récemment à la wilaya de Tizi Ouzou en présence de certaines personnalités et partis politiques, lorsque j'ai entendu les représentants du FLN et le RND hurler dans la salle de réunion « Tamazight langue officielle » et surtout « unité de la nation », là, j'ai été envahie par un doute profond.

Sans douter de la bonne foi des initiateurs de cette pétition je me suis questionnée sur les raisons de cet amour soudain et intérêt pour Tamazight par ces partis alors qu'il n'y a pas si longtemps, le Président issu du FLN est venu provoquer les kabyles à Tizi Ouzou en proclamant que « de son vivant Tamazight ne sera jamais langue officielle ». Dans son sillage un autre présidentiable-FLN envisage de soumettre son officialisation à référendum.

Cependant, au final, mis à part l'optimisme exagéré d'un intervenant par Skype de Tizi Ouzou en l'occurrence Monsieur Abdesslam, il a informé chiffres à l'appui que tout va très bien dans le meilleur des mondes. Il a même annoncé qu'au Maroc Tamazight n'est pas une langue officielle et que des centaines de berbères marocains seraient en prison. Il faut dire qu'il a été sèchement repris par ces camarades parisiens;

Il se trouve que la majorité des intervenants et du public ont mis l'accent sur l'ingéniosité machiavélique de ce pouvoir et de ses relais à concocter toutes les petites ruses de chacal pour casser l'enseignement de Tamazight- Taqbaylit « cours de langue en fin de journée » l'incitation des parents et des élèves à fuir les cours en Tamazight, etc.. etc...

En somme, c'est un recul sans précédent!

Ces faits ont été corroborés par le témoignage poignant d'un jeune qui venait d'arriver en France sur la situation catastrophique en Kabylie.

Il est vrai que tous ses faits ont jeté un coup froid sur l'assistance! Certains intervenants ont essayé de justifier leur soutien à cette initiative au moyen de formules du type « mieux vaut un verre à moitié plein » j'ai même entendu l'allégorie « d'un verre au trois quart plein!! Il est vrai qu'un verre à moitié vide « ferait désordre »
Ceci étant dit, sans prononcer les « vilains mots » d'Autonomie ou d'Indépendance, certains intervenants ont soutenu fermement l'idée que les Kabyles doivent prendre leur destin en main.

Enfin , il ne faudrait pas non plus esquiver ni nier le fait que même si les kabyles en général prennent conscience qu'on est à un tournant déterminant de notre EXISTENCE, beaucoup se posent des questions légitimes sur la définition de l'Autonomie ou de l'Indépendance et surtout dans quelles conditions cela va -t-il advenir, quelles seront les conséquences pour eux .

L' AUTONOMIE peut être globalement définie comme "un territoire qui a certaines lois particulières mais qui ne possède pas une indépendance totale ".

C'est la possibilité pour la communauté kabyle par exemple de s'administrer librement à travers une organisation:

La Constitution d'un parlement élu démocratiquement composé de partis politiques, des Archs qui constituent le fondement antique de la société kabyle dont on peut améliorer le fonctionnement par exemple par la parité hommes/femmes, Tajmaït ou Agraw « l'assemblée de village » qui œuvre au plus près du citoyen.

Cela aura pour résultat La gestion autonome des aspects économiques, culturels, administratifs ..

Le partage négocié avec l'Etat central de la politique étrangère, des moyens financiers et de la défense.
On gardera aussi des liens et des échanges avec les autres régions non plus sous l'aspect du dominant dominé mais dans le respect des spécificités de chacun. Si on peut considérer par exemple qu'un Kabyle qui vit en Oranie, qu'en dehors de son cercle familial il apprenne en seconde langue l'arabe oranais on peut considérer qu'un oranais qui voudrait vivre en Kabylie devrait apprendre en deuxième langue le kabyle

Le terme d'INDÉPENDANCE caractérise la condition d'un Etat qui ne relève pas d'un autre dont il faut assumer tous les aspects financiers politiques économiques, administratifs, de la défense, de la politique étrangère..
Les deux possibilités sont envisageables.

J'ajouterai, que si on observe les contenus des mouvements autonomistes et ou indépendantistes comme « la Corse, la Polynésie etc.. On peut remarquer qu'ils n'ont jamais pensé à proposer à leur population un référendum sur le choix de l'un ou l'autre. À savoir l'Autonomie ou l'Indépendance.

Ce serait pour nous un challenge formidable en termes de démocratie et de mobilisation de la population et de la possibilité de créer un rapport de force sans précédent qui sera très utile lors des négociations.

Sakina Ait-Ahmed,

SIWEL 191003 DEC 13

mercredi 18 décembre 2013

Par Jacques Simon : « Ferhat Mehenni nous parle de la Kabylie »

Par Jacques Simon : « Ferhat Mehenni nous parle de la Kabylie » 

 

18/12/2013 - 14:28

PARIS (SIWEL) — Jacques Simon, historien né en Algérie, est un ancien militant du Mouvement national algérien. En 1963, il observe médusé l’orientation idéologique et politique de l’Algérie indépendante qui s'achemine vers un arabo-islamisme violent et rétrograde. Durant les années 1980, il soutient le printemps berbère et dirige avec Ali André Mécili le journal « Libre Algérie ». Jacques Simon nous livre sa lecture du cheminement du combat kabyle à travers le discours de Ferhat Mehenni à la lumière de ses trois essais : Algérie : la question Kabyle, le siècle identitaire ou la fin de Etats postcoloniaux et enfin, Afrique : le casse-tête français ; mais aussi à la lumière de sa propre expérience d’ancien militant engagé pour l’Algérie durant la colonisation française, puis pour les peuples berbères d’Afrique du Nord et en particulier les kabyles avec lesquels il a partagé un fervent engagement pour la liberté. Nous publions ci-après l’article transmis à notre rédaction.


Jacques Simon (PH/DR)
Jacques Simon (PH/DR)

FERHAT MEHENNI NOUS PARLE DE LA KABYLIE

Au Mali, le cirque électoral terminé, il reste qu’aucun des problèmes ayant justifié l’opération Serval n’a été réalisé : la construction d’un État démocratique et viable, un plan de développement économique, social et culturel, la sécurité du pays et l’unification du Mali, mission impossible, car l’Azawad deviendra, de façon inéluctable un État indépendant. Pour prouver à ses adversaires que la procrastination qu’on lui reproche dans les affaires intérieures est malveillante, François Hollande s’est engagé, sabre au clair, avec une visibilité de six mois et des moyens dérisoires, dans une aventure périlleuse en Centrafrique.

L’objectif proclamé de cette « grande et belle mission » est de « réconcilier un peuple » déchiré par les violences ethniques et religieuses, reconstruire un État en miettes et stabiliser la région. L’objectif camouflé est de défendre les intérêts économiques et financiers de la France qui seraient garantis par le maintien des États artificiels dans son ancien empire africain. Il en est ainsi de l’Algérie dotée par le général de Gaulle du Sahara pétrolier (il existait jusque-là un ministère français du Sahara)1 qui deviendra le ciment du Pacte franco-algérien pour le maintien du statu quo.

L’enlisement annoncé de la France dans les sables mouvants de la Centrafrique et l’interminable décomposition de l’État mafieux algérien ont sonné le glas de cette construction néocoloniale et redonné vigueur à la lutte des peuples pour former des entités homogènes dans des cadres indépendants. C’est le cas des peuples de l’Afrique du Nord et en particulier celui du peuple de la Kabylie.

Algérie : La question kabyle
Exposée de façon claire et pertinente par Ferhat Mehenni, elle est fondée sur un cadre géographique inchangé depuis l’Antiquité, une histoire et une civilisation de longue durée et son aptitude à épouser son siècle2. Cette évolution est toutefois contrariée par l’action conjuguée des États français et algérien qui entendent congeler le cadre néocolonial existant, en nouant un Pacte pour neutraliser le peuple rebelle, contestataire et subversif de la Kabylie.

C’est ainsi qu’en 1959-1960, quand s’ouvrent les négociations entre Paris et le GPRA, le plan Challe concentre ses coups sur la willaya III (opérations Jumelles, Rubis et Turquoise). Le relais est pris par Boumediene dès l’entrée de l’ANP en Algérie en 1962, en 1963 et jusqu’en 1978.

Dans ce livre plusieurs points ont été traités : la nature de l’État militaro policier et arabo-islamique algérien, le mécanisme de sa préservation en suscitant l’opposition artificielle entre le RCD et le FFS pour anesthésier la volonté d’émancipation du peuple opprimé de Kabylie.

Il est bien montré que la cohésion de l’État DRS détenteur de la rente pétrolière n’est possible que par la marginalisation de la Kabylie, la militarisation du régime, la confiscation des libertés démocratiques, le contrôle des médias, la caporalisation des syndicats, un FLN subventionné dominant une Assemblée introuvable, l’arabisation et l’islamisation de la société. Cette politique n’a pu exister qu’avec la complicité de l’État français, de ses idéologues intéressés et des idiots utiles défenseurs du Pacte.

Ils redoutent tous que la Kabylie suive l’exemple de la Prusse et du royaume du Piémont qui furent les acteurs de l’unité allemande et italienne. Indépendante, la Kabylie dynamiterait l’ordre en place et donnerait une impulsion à la formation d’une Afrique du Nord unifiée. L’auteur écrit : « Personnellement je souhaite vivement la construction de l’unité nord-africaine, mais avec la Kabylie comme partenaire à part entière ayant comme tous les autres membres son mot à dire sur les orientations politiques, économiques et socioculturelles du sous-continent » (p.128)

L’an I de la rébellion kabyle
Pour Ferhat Mehenni, la révélation inacceptable de ce mécanisme d’oppression a surgi avec éclat pendant la terrible répression d’avril 2001 sans provoquer une réaction du reste du pays. 2

« C’est aujourd’hui, me disais-je, que la Kabylie a besoin de la solidarité de tous les Algériens. Si elle ne vient pas maintenant, c’est qu’elle ne viendra jamais. La solution de l’autonomie m’apparut alors comme l’unique issue raisonnable pour mettre nos enfants à l’abri de la violence armée de l’État. » (p.30).

Première expression significative de l’identité kabyle, avril 2001 marque la rupture consciente entre ce peuple opprimé et l’État totalitaire algérien. Le saut qualitatif est notable entre la manifestation de colère du « printemps berbère » d’avril 1980 et l’engagement déterminé de tout un peuple pour arracher son émancipation totale.

Plusieurs points restent à développer : les institutions futures, l’économie, le programme démocratique, la laïcité de l’école et de l’État et le cadre géopolitique dans lequel la Kabylie doit s’inscrire : Tamazgha ? l’Union de la Méditerranée ? l’Occident méditerranéen ?3

D’autres points doivent être précisés, relatifs à l’histoire de l’immigration algérienne en France et en particulier celle de l’Étoile Nord-Africaine construite et dirigée majoritairement par les Kabyles inscrits dans l’appareil de production moderne et membres de la CGT. Le rôle social et politique de l’Étoile fut remarquable après 1934 : quand la crise économique mondiale gagne la France et plonge l’Europe dans la barbarie. L’Étoile luttera avec énergie contre l’exploitation capitaliste, le chômage et la misère, le colonialisme, les ligues d’extrême droite, l’antisémitisme, le fascisme, le nazisme et le franquisme. Il adhérera au Front Populaire et restera toujours sur les valeurs du mouvement ouvrier 4.

L’Étoile associait dans le combat qu’elle menait pour les libertés dans le pays d’accueil avec celui pour se constituer en nation souveraine à travers un processus constituant sur le modèle de la Révolution française de 1789.

Dans le débat qui s’ouvre maintenant de façon publique, on peut nourrir sa réflexion avec trois exemples : l’action des Kabyles comme la force structurante du nationalisme algérien avec l’Étoile, l’adoption massive de la Constituante par le congrès des AML de mars 1945 et la transformation des élections municipales de 1947 en un référendum sur la Constituante, lui aussi plébiscité 5.


Le siècle identitaire
Dans ce livre préfacé par le politologue Roger Kaplan6, Ferhat Mehenni élargit le champ de sa réflexion en dressant l’acte de décès des États postcoloniaux. Il inscrit ensuite le combat du peuple de Kabylie dans le mouvement révolutionnaire des peuples pour briser tous les carcans et se constituer en nations souveraines (L’Écosse, la Catalogne...) Défenseur de la laïcité, le président du gouvernement provisoire de la Kabylie (GPK) invite l’Occident au réalisme sur l’héritage géopolitique colonial.

« Au lieu de soutenir les dictatures musulmanes au prétexte qu’elles professent un islam « modéré », les démocraties occidentales seraient plus sages de repérer les tensions et les folies qui se jouent derrière leur apparence ordonnée » (p. 52).

Afrique : le casse-tête français
Avec ce troisième livre préfacé par Ivan Rioufolbi[[7]b]i, l’auteur ne cherche plus à fournir un argumentaire pour établir la légitimité de la revendication identitaire kabyle, mais à s’engager dans une lutte contre le Pacte des deux brigands. Après un état des lieux des pays africains francophones, il est montré que la balkanisation de l’Afrique occidentale (AOF) et orientale (AEF) n’a pas engendré des États viables, du fait de l’intégration de populations hétéroclites dans des cadres artificiels.

Invitation est faite à la France si elle entend défendre ses intérêts et son prestige culturel auprès des populations africaines, à renoncer à ses interventions militaires quasi annuelles stériles et à rompre le Pacte. Revenant sur les relations entre la Kabylie et la France, il écrit : « Face à ses agressions multiformes, la Kabylie toujours un peu païenne, un peu chrétienne, juive par certaines origines, toujours musulmane à sa manière, pratique, comme au temps les plus reculés de son histoire, entre autres formes de résistance, sa laïcité en jurant « au nom de toutes les croyances » (p. 102)

En fin de livre, il est rappelé que les deux millions de Kabyles en France ont participé à la construction et à la défense de l’hexagone comme sur le modèle de l’assimilation différent de celui de l’intégration. Ils s’inscrivent ainsi sans la chaîne des immigrations européennes du XIXe siècle qui ont fait la France tout en restant attachés à « la patrie ancestrale ».

S’adressant à la France, Mehenni lui propose de s’appuyer sur les Kabyles pour défendre son identité, ses intérêts économiques sa Grandeur dans le monde et son prestige auprès des populations francophones africaines. Pour cela, elle devra déchirer le Pacte scélérat et mener avec son plus fidèle allié, un combat sans concession, [comme ce fut le cas avec l’Étoile, contre l’islamo fascisme]. La lutte que les Kabyles mèneront pour la défense de leur pays d’accueil sera associée à celle pour l’indépendance de leur « patrie ancestrale».

Conclusion : la question kabyle est devenue maintenant un problème de la vie politique intérieure, africaine, et internationale de la France. Tous les hommes épris de liberté soutiendront la marche du peuple kabyle pour son émancipation.

Notes
1. Treyer (C). Sahara 1956-1962. Les Belles lettres, 1966.
2. Mehenni (F). Algérie : la question kabyle. Michalon, 2004. Voir également Chaker (S). Berbères aujourd’hui, L’Harmattan, 1998, Guenoun (A). Chronologie du mouvement berbère, Casbah, 1999 ; Aït Kaki (M). De la question berbère au dilemme kabyle à l’aube du XXIè siècle , L’Harmattan, 2011 ; et l’immense thèse de Mahé Alain. Histoire de la Grande Kabylie, Bouchene, 2001.
3. Simon (J). L’Occident méditerranéen. L’Harmattan, 2013.
4. Simon (J). L’Étoile Nord-Africaine (1926-1937). L’Harmattan, 2003.
5. Kaddache (M). Histoire du nationalisme algérien. SNED, 1981.
6. Mehenni (F). Le siècle identitaire, Michalon, 2010.
7. Mehenni (F). Afrique : le casse-tête français. La France va-t-elle perdre l’Afrique ?, Ed. de Passy, 2013.


Jacques Simon
18 décembre 2013


SIWEL181428 DEC 13

Vous trouverez plusieurs publication de l'auteur sur son site internet ci-dessous

En pdf, l'article de Jacques Simon : FERHAT MEHENNI NOUS PARLE DE LA KABYLIE
ferhat_mehenni_nous_parle_de_la_kabylie_.pdf FERHAT MEHENNI NOUS PARLE DE LA KABYLIE..pdf  (188.49 Ko)

mardi 17 décembre 2013

Le DRS derrière l’assassinat des moines de Tibhirine ! | Tamurt.info - Votre lien avec la Kabylie

Le pouvoir algérien veut faire endosser leurs assassinat aux terroristes
Le fallacieux argument de la souveraineté nationale ne tient guère debout. De puissances mondiales, comme la Suisse, l’Allemagne et même les USA ont autorisées des enquêteurs étrangers à mener aisément des enquêtes sur leur territoire dans de grandes affaires criminelles.
18/12/2013 - 00:33 mis a jour le 17/12/2013 - 21:31 par

Et si réellement le pouvoir algérien était jalousement attaché à ce soit disant principe de souveraineté, pourquoi aurait-il autorisé les avions militaires français sillonnés, en toute quiétude, l’espace aérien algérien pour aller bombarder nos frères Touaregs ? A moins que ce principe devienne caduc dès qu’il s’agisse de destruction de tout ce qui a trait à Tamazight ou à Imazighen...
Tout le monde s’accorde à dire que c’est le DRS qui a exécuté les moines de Tibhirine. La fallacieuse raison que l’Algérie pourrait évoquer serait le fait d’accueillir dans leur monastère, par fidélité à leur religion, toutes personnes leur demandant de l’aide.
Il ne s’agit même pas d’une bavure. Le crime est prémédité et les services secrets algériens ont monté un scénario de toutes pièces pour faire croire au monde entier qu’il s’agit d’un acte terroriste. Le but recherché par les commanditaires de cet abominable crime était de faire réagir la communauté internationale devant la barbarie intégriste et surtout de ne pas perdre le précieux soutien de la France.
Ces terroristes que la télévision algérienne ne cessent de montrer pour crédibiliser la thèse des décideurs algériens, sont-ils vraiment des terroristes ? Tout le monde sait qu’en Algérie, et jusqu’à ce jour, il existe des groupes islamiques armés et des groupes islamiques de l’armée ! Des villages entiers et des centaines de civils ont été exécutés par des gendarmes et des militaires durant les années 1990. Le cas de Bentalha et d’Ighil Izan sont à ce titre édifiants. La raison de ses carnages est le fruit des luttes claniques au sommet du pouvoir et de l’armée.
Reste seulement à savoir si la France fermera les yeux sur ce crime en contre partie de juteux marchés conclus avec l’Algérie ?
Une chose est sûre, tôt ou tard, la vérité finira par éclabousser même ceux qui pense être protégés par le rideau derrière lequel il se cache.
Alger, Saïd F. pour Tamurt.info

dimanche 15 décembre 2013

Bouaziz Aït-Chebib installe la coordination d’Alma n Silla (Michelet)

Bouaziz Aït-Chebib installe la coordination d’Alma n Silla (Michelet)

15/12/2013 - 12:39

ALMA N SILA ( SIWEL) - Le premier responsable du MAK souligne : « En Algérie, sous la pression du Printemps Noir et le MAK, le pouvoir a consacré Tamazight comme langue nationale afin de bénéficier de la caution de la Kabylie en prévision des élections locales de 2002. En 2013, ce même pouvoir, pris de panique suite à l’évolution du MAK de l’autonomie à l’autodétermination, tente de duper la Kabylie en ouvrant un simulacre de débat sur l’autonomie et l’officialisation de Tamazight". Bouaziz Aït-Chebib affirme que ce simulacre de débat n’a en réalité qu’un seul objectif : faire participer la Kabylie aux élections présidentielles d’avril 20I4. « Aussi, poursuit le président du MAK, je lance dès aujourd’hui et à partir d’Alma N’silla à l’endroit des deux partis politiques kabyles, en l’occurrence le Rassemblement pour la Culture et la Démocratie et le Front des Forces Socialistes à emboîter le pas au MAK : rejeter ces élections d’avril 2014 ».


Bouaziz Aït-Chebib installe la coordination d’Alma n Silla (Michelet)
Agissant dans le cadre du renouvellement des structures du Mouvement pour l’Autodétermination de la Kabylie (MAK) de celles touchées par l’expiration de mandat d’exercice, Bouaziz Aït-Chebib, accompagné de Mohamed Chabane, était en déplacement hier dans la région de Michelet où il a procédé justement au renouvellement de la structure d’Alma-N’silla. Et conformément aux statuts et règlements du MAK où la démocratie est maîtresse, la nouvelle composante humaine de la coordination MAK du pays de mat de cocagne a obéi au choix sélectif. En effet, après la sanction par le vote, le nouveau bureau est dégagé. Le voici : Président : Saïd Kaci-Ouali, vice-président : Mohand Ath-Aïssi, Secrétaire à l’organique : H’cène Kaci et Trésorier : Boudjemaâ Ath-H’cène.

Par ailleurs, le président du MAK a mis à profit cette rencontre pour rappeler à l’assistance les grands rendez-vous que doit honorer la famille militante et patriotique du MAK et passer en revue les sujets d’actualité où la Kabylie constitue le principal élément de l’équation.

C’est ainsi effectivement que Bouaziz Aït-Chebib a réitéré à l’intention des cadres et militants d’Alma N’silla que la date du 3 janvier 20I4 sera consacrée à l’étude et l’adoption de l’avant-projet pour un Etat kabyle , prévues à Béjaia. Tout en insistant sur l’importance que revêt ce document d’où l’implication de tout un chacun est indispensable, le premier responsable du MAK a également mis l’action fêtarde de Yennayer. « Celle-ci, a indiqué le premier responsable du MAK, sera traduite par une marche à Tizi-Ouzou ».

Le second volet de l’intervention de Bouaziz Aït-Chebib a porté naturellement sur les élections présidentielles algériennes d’avril 20I4. Et fidèlement à sa légendaire capacité oratoire, Le n°1 du MAK a commencé par indiquer que « le peuple kabyle, encore une fois, ne sent pas concerné par cette élection présidentielle et dès lors, l’homme qui occupera ou réoccupera le fauteuil d’El Mouradia ne sera toujours pas reconnu par la Kabylie comme son président ». « D’ailleurs, Abdelaziz Bouteflika, ajoute Bouaziz Aït-Chebib, n’est pas notre président de la république ». S’agissant de la question de « Tamazight » où certains appareils satellitaires du pouvoir commencent à s’agiter en évoquant son officialisation comme s’ils prétendent à sa paternité alors que dans le passé, toute expression amazighe leur causait une allergie, le premier responsable du MAK souligne : « En Algérie, sous la pression du Printemps Noir et le MAK, le pouvoir a consacré Tamazight comme langue nationale afin de bénéficier de la caution de la Kabylie en prévision des élections locales de 2002. En 2013, ce même pouvoir, pris de panique suite à l’évolution du MAK de l’autonomie à l’autodétermination, tente de duper la Kabylie en ouvrant un simulacre de débat sur l’autonomie et l’officialisation de Tamazight". Bouaziz Aït-Chebib affirme que ce simulacre de débat n’a en réalité qu’un seul objectif : faire participer la Kabylie aux élections présidentielles d’avril 20I4. « Aussi, poursuit le président du MAK, je lance dès aujourd’hui et à partir d’Alma N’silla à l’endroit des deux partis politiques kabyles, en l’occurrence le Rassemblement pour la Culture et la Démocratie et le Front des Forces Socialistes à emboîter le pas au MAK : rejeter ces élections d’avril 2014 ».

C’est sur cet appel solennel aux deux formations politiques du seul pays appelé « la Kabylie » que Bouaziz Aït-Chebib a mis fin à son intervention. Nous devons également signaler qu’après cette rencontre dédiée à feu Antonio Cubillo, leader indépendantiste canarien, décédé, rappelons-le, le 10 décembre 20I2, Bouaziz Aït-Chebib et son compagnon, Mohamed Chabane, ont été invités par les cadres et militants d’Alma N’silla à une petite randonnée « touristique ». A pied et en voiture, les yeux ont découvert la grande beauté de Tizi-l’Djamaâ, le col de Tirourda, la Grotte du Macchabée et tant d’autres lieu tout aussi prestigieux.

De Tizi-Ouzou, Saïd Tissegouine

Siwel avec Tamurt

vendredi 13 décembre 2013

Tel est pris qui croyait prendre ! - La Dépêche de Kabylie

58ème anniversaire de l’opération Oiseau bleu

Tel est pris qui croyait prendre !

L’union nationale de la jeunesse algérienne (U.N.J.A) a commémoré, dans la journée d’avant-hier, le 58ème anniversaire de la mythique opération ‘’Oiseau bleu’’ ou ‘’Force K’’, à la maison de la culture Mouloud Mammeri de Tizi-Ouzou, en présence de la famille révolutionnaire, du mouvement associatif et d’un public venu nombreux. A cette occasion, un film documentaire historique sur la wilaya III a été projeté. Il est intitulé « Oiseau bleu, histoire secrète d’une guerre », écrit et réalisé par Razika Mokrani lauréate du prix Mention spéciale du jury à la 11ème édition du festival du film amazigh. Il raconte les événements qui se sont produits lors d’une opération secrète lancée par l’armé française, en 1955, en haute Kabylie.  Des historiens comme Camille Lacoste du Jardin, Benjamin Stora et Djoudi Attoumi, des ethnologues et des militaires, du côté français, et des acteurs de l’opération, du côté algérien, interviennent dans le documentaire. Cette opération également dénommée « Force K », allusion faite à la lettre « K » de Kabylie, fut l’œuvre des services secrets français avec la bénédiction du gouverneur général d’Algérie de l’époque, Jacques Soustelle, et avait pour objectif, la création d’un contre maquis en Kabylie maritime. Les services de renseignement français pensaient naïvement qu’ils pouvaient retourner dans les rangs du FLN plusieurs centaines de Moudjahidine et les transformer en commandos clandestins qui opéreraient avec les mêmes tenues de combat que celles de l’ALN.  Comme l’a si bien dit Krim Belkacem, l’armée française a tenté d’« introduire un cheval de Troie au sein de la résistance algérienne… ». Mais c’était sans compter sur le patriotisme des Algériens qui ont su profiter de l’aubaine que leur offraient les Français.  Diviser les rangs du FLN, l’affaiblir et mettre à mal ses projets révolutionnaires, c’était l’objectif de l’opération « Force K ». Mais cela s’est soldé par un cuisant échec et une grande humiliation pour l’armée française qui a permis au FLN de s’approvisionner en fonds et en armes de guerre et de renforcer ses rangs. Le président de l’association des moudjahiddine de Tizi-Ouzou, Mr Ouali Aït Ahmed, a, lors de son intervention, précisé : « le centre de gravite de l’opération ‘’Oiseau bleu’’ était le Chahid Ahmed Zaidat qui était en charge d’un réseau du côté d’Azazga…». Il ajoutera : « les éléments de la victoire furent : la prise de conscience des Algériens de leur servitude et le fait d’avoir donné à la révolution une dimension politique et l’esprit de sacrifice… ».Par ailleurs, les organisateurs de la commémoration ont profité de l’occasion pour honorer le président de l’association des moudjahiddine de Tizi-Ouzou et plusieurs autres moudjahiddine qui ont prix part à cette opération.  Le premier responsable du secteur de la culture de la wilaya de Tizi-Ouzou, M. El Hadi Ould Ali a également été honoré pour le travail remarquable qu’il a accompli pour la promotion de la culture dans la wilaya. Le wali de Tizi-Ouzou, M. Abdelkader Bouazghi, et le président de l’assemblée populaire de la wilaya, M. Hocine Haroun, ont eux aussi été honorés par l’U.N.J.A pour tous les efforts qu’ils ont consentis et l’intérêt qu’ils portent au développement de la wilaya.

jeudi 12 décembre 2013

Yennayer 2964 : Le calendrier kabyle en vente dans les librairies

Yennayer 2964 : Le calendrier kabyle en vente dans les librairies

12/12/2013 - 11:53

TIZI WEZZU (SIWEL) - Amar Zebbar, militant kabyliste, poète et photographe a toujours marqué le nouvel an amazigh à travers un calendrier kabyle depuis 2001. Il ne se contente pas de faire revivre le calendrier agricole kabyle étant donné que chaque édition est porteuse d'un message révolutionnaire appelant le peuple kabyle à disposer de lui-même.


Yennayer 2964 : Le calendrier kabyle en vente dans les librairies
En dépit de la politique négationniste du régime raciste d'Alger, Yennayer est célébré dignement par les Amazighs.

à l'approche du nouvel an, les librairie sont envahiss par des calendriers de toute dimension. Le calendrier kabyle dont Yennayer n'est pas toujours consacré jour férié comme le 1er janvier et le 1er Moharem, est présent chaque année grâce à la détermination des militants kabyles qui expriment leur attachement à leur kabylité et leur appartenance à la grande famille amazighe.

Amar Zebbar, militant kabyliste, poète et photographe a toujours marqué le nouvel an amazigh à travers un calendrier kabyle depuis 2001. Il ne se contente pas de faire revivre le calendrier agricole kabyle étant donné que chaque édition est porteuse d'un message révolutionnaire appelant le peuple kabyle à disposer de lui-même.

Chaque numéro, est dédié à des militants qui se sont sacrifiés pour la dignité et la liberté et souvent disparu dans l'anonymat. Amar Zebbar fait en sorte de déterrer leur nom et leur combat pour les inscrire dans la mémoire collective du peuple kabyle.

Pour Yennayer 2964, le calendrier a été un hommage aux militants qui ont marqué chaque période du combat kabyle depuis l'Etoile Nord Africaine à nos jours : Imach Amar, Benai Ouali, Amar Ould Hamouda, Mbarek Ait Menguellet, Laimèche Ali, Henine yahia , Rachid Ali Yahia , Mouloud Mammeri, Salah Boukrif, Achour Belhjezli .....

L'auteur a tenu à travers cette nouvelle édition, à rendre hommage aux hommes de lettres comme Tertullien, Belait Ait Ali, l'historien kabyle Mouloud Gaid .. et à exprimer son soutien au chanteur kabyle Zedek Mouloud.

Entre Images tirées des manifestationsdu MAK, poèmes engagés, petites biographies des personnages suscités, Amar Zebbar s'engage avec dignité pour l'autodétermination du peuple kabyle.

lundi 9 décembre 2013

Contribution - Tamazight langue officielle : Une fausse solution pour un vrai problème | Tamurt.info - Votre lien avec la Kabylie


Contribution - Tamazight langue officielle : Une fausse solution pour un vrai problème

L. ACARΣIW pour Tamurt.info

A l’approche de l’élection présidentielle algérienne, le problème de la « langue ? » Tamazight refait surface. D’anciens « militants » berbéristes tentent de refaire croire en l’espoir de son officialisation sous un régime qui, depuis plus de cinquante ans, a vu tant de têtes partir et d’autres s’installer, sans que la politique de déni identitaire et linguistique envers les peuples Amazighs d’Algérie change en quoi que ce soit.
09/12/2013 - 10:53 mis a jour le 09/12/2013 - 10:54 par L. ACARƩIW

A ttnadin Υef tsarutt , tabburt w’arɛad i tt-ufin CuΥlen-d m’ ad-telhu tefsut, nitni du gegris Υellin. Ait menguellet
A vrai dire, ces quelques phrases suffisent amplement pour résumer le désarroi des tenants de la revendication de l’officialisation de tamazight, aujourd’hui.
Malheureusement, si cela est clair pour certains, pour d’autres, l’évidence se perd dans la densité du brouillard politique qui fait obstacle à une projection de l’avenir en Algérie. A partir de là, chacun de nous a le devoir d’exprimer sa divergente par souci de démocratie et d’honnêteté intellectuelle.
Toutefois, la question se pose légitimement quant à la motivation politique des initiateurs de ce débat unilatéral.
A l’approche de l’élection présidentielle algérienne, le problème de la « langue ? » Tamazight refait surface. D’anciens « militants » berbéristes tentent de refaire croire en l’espoir de son officialisation sous un régime qui, depuis plus de cinquante ans, a vu tant de têtes partir et d’autres s’installer, sans que la politique de déni identitaire et linguistique envers les peuples Amazighs d’Algérie change en quoi que ce soit.
Le concept même d’officialisation d’une langue ne signifie pas toujours que sa reconnaissance soit la reconnaissance d’un peuple. Beaucoup de pays officialisent des langues qui ne sont pas propres à leur peuple. C’est une officialisation motivée par un besoin pratique, pour le bon fonctionnement de leurs institutions. Les pays d’Afrique en sont l’illustration.
Il existe aussi des Etats qui utilisent des langues dans leurs institutions sans même qu’elles soient officielles, l’exemple du français en Algérie est édifiant, même si nous n’ignorons pas la duplicité du régime qui, dans ses discours exprime hypocritement son hostilité envers cette langue, et dans les faits, en use et en abuse abondamment au plus haut sommet de l’Etat.
Pour moi, comme l’a chanté un poète de chez nous, « les langues comme les hommes, sont égales en droit ». Mais force est de constater chez ceux qui nous gouvernent que pour toutes les langues amazighes, il n’y a que haine, mépris et violence envers leurs défenseurs. Ils n’arrivent pas à admettre que l’on puisse mettre celles-ci sur le même pied d’égalité avec l’arabe, consacré depuis 1962 comme La langue nationale et officielle. Les langues amazighes sont pour eux des langues de sauvages et d’arriérés.
Ces constats m’amènent à penser que la thèse avancée, selon laquelle l’officialisation de la « Langue Tamazight » en Algérie mettra fin au déni identitaire dont souffrent les peuples Amazighs, au premier rang desquels il y a le peuple kabyle, est erronée. On le voit déjà au Maroc où, même en faisant constitutionnellement de tamazight une langue nationale et officielle tarde lourdement à l’appliquer dans les faits.
L’explication se trouve dans la nature du régime Algérien qui a constamment développé une politique coloniale visant à dépersonnaliser les Kabyles, les Chawis, les Touaregs, les Mozabites soumis tous à une politique visant leur disparition. Une politique qui n’est pas seulement celle du régime Algérien, mais partagée et exécutée par tous les Etats d’Afrique du Nord au nom de l’idéologie arabo-musulmane.
Le recul historique de la lutte de nos aînés pour notre existence, puis l’évolution de notre réflexion aujourd’hui, me laissent penser que le problème dont souffre le peuple kabyle, et à travers lui, les autres peuples Amazighs, ne peut pas se résumer à un simple problème linguistique. Même si un bilan dans ce sens est important à réaliser, il me semble que la question est avant tout d’ordre politique. C’est celui de l’existence de peuples distincts méritant chacun son propre Etat.
Surtout quand on sait que les linguistes s’accordent à dire qu’une langue ne se résume pas seulement à un moyen de communication entre les personnes, mais que la langue est un concept beaucoup plus complexe, comme le soutient Claude Hagege en disant : « chaque langue est un petit univers de sens et d’originalité conceptuelle ». Louis-Jean Calvet, quant à lui, soutient qu’une langue qui n’est pas acceptée par ses interlocuteurs n’a pas lieu de s’imposer. D’où cette question objective qui nous interpelle : pourquoi veut-on imposer la langue arabe aux Amazighs, et pourquoi veut-on imposer une langue commune aux peuples Amazighs au détriment de leurs langues respectives ?
Dans les deux cas de figure, la démarche est vouée à l’échec. C’est Ferdinand de Saussure qui nous a rappelé cette évidence : « L’État parvient rarement à imposer à une population une langue dont elle ne veut pas ou plus. Les langues évoluent, naissent et meurent, en fonction des besoins de leurs interlocuteurs ».
Au fond, La réflexion me pousse à poser le problème de la légitimité du combat pour « Tamazight ». Quelle est la légitimité des kabyles à porter une revendication pan-amazighe, qui ne concerne pas que la Kabylie ? Surtout, a-t-on le droit de piétiner la souveraineté et les aspirations des autres peuples Amazighs en Algérie ?
Ceci est d’autant moins légitime que le niveau de conscience, le combat politique, l’expérience et la tradition revendicative sont différents d’un peuple à un autre. La démarche la plus sage devrait avoir pour souci de respecter des paramètres pour chaque situation. Cela dit, une synergie est susceptible de se créer mais avec des Etats, chacun en phase avec son peuple.
Le combat identitaire des kabyles ne date pas d’aujourd’hui. Il a traversé des temps immémoriaux. D’un combat militaire mené pour la souveraineté du peuple kabyle à un combat politique en faveur des droits de tous les peuples d’Afrique du Nord, la Kabylie a arraché l’indépendance de l’Algérie mais ne trouvera de repos que le jour où le peuple kabyle aura recouvré sa totale liberté.
L’apport de l’Amusnaw kabyle, Dda Lmulud At Mâemmer en matière d’histoire, d’anthropologie et de linguistique est à bien des égards inestimable. Il avait le souci de ne pas dissocier la culture de la politique. Il était convaincu que celui qui prend les rênes du pouvoir, dans un pays multiethnique est toujours tenté d’imposer et de favoriser sa langue et sa culture sur celles des autres.
Parler des bienfaits de l’officialisation, supposerait que le pouvoir algérien mettrait tout en œuvre pour promouvoir et développer l’Amazighité qu’il a toujours combattue. Cela relève d’un fantasme politique. L’exemple du Maroc est là pour nous rappeler que l’officialisation de Tamazight n’est qu’un gadget pour amuser ceux qui y croient et qu’elle ne rétablit pas les peuples Amazighs dans leurs droits. Peut-on faire confiance à ce pouvoir pour prendre en charge notre langue ? Peut-on penser que la victime puisse attendre de la clémence de son bourreau ?
Au demeurant, penser aujourd’hui que le nationalisme kabyle, qui s’est traduit par cette volonté d’affirmer son identité à travers un Etat, un peuple et une langue kabyle, est anti-amazigh est un non-sens. Un bébé qui se sépare de son cordon ombilical, ne veut pas dire qu’il reniera sa mère, cela veut juste dire qu’il est apte à se prendre en charge, cela nécessite du temps certes, mais c’est tout-à- fait naturel. Il en va de même pour toutes les langues dites amazighes. Elles sont toutes aptes à être des langues officielles, des langues d’Etat, quand-bien même elles puiseraient chacune dans les autres ce qui lui manquerait.
Indéniablement, c’est grâce au bilan du combat pour « Tamazight » que nous sommes arrivés à une réalité, qui aurait dû nous interpeller en amont de notre lutte, et qui est la suivante : la pérennité d’une langue dépend de la capacité du peuple à la protéger et à la promouvoir. Or, le peuple kabyle est dépourvu de sa souveraineté, par voie de conséquence sa langue n’a aucune protection. Protéger le peuple kabyle par l’édifice d’un Etat propre à lui, protégera inéluctablement sa langue.
C’est aussi la façon la plus efficace avec laquelle on peut faire bénéficier tous les peuples Amazighs des fruits de leur sueur.
L. ACARΣIW

jeudi 5 décembre 2013

Le syndrome du TITANIC | Tamurt.info - Votre lien avec la Kabylie

Akbou

Le syndrome du TITANIC

Amar BENHAMOUCHE pour Tamurt.info
La carrière d’Akbou ne devait pas exister, si on procède à la logique des choses. Entourée d’agglomérations importantes et de terres agricoles, la carrière, avec ses débris et la poussière, constitue une menace majeur pour la santé des populations locales en provoquant des maladies divers : cardiovasculaires, pulmonaires, cancers et d’autres. Elle dévaste également des récoltes agricoles qui se trouvent dans les alentours.
05/12/2013 - 12:26 mis a jour le 05/12/2013 - 10:26 par Amar Benhamouche

L’environnement et la santé publique se sont dégradés dans la région d’Akbou. Les causes sont multiples. Les principaux accusés sont les acteurs économiques de la région ainsi que les élus et représentants politiques qui n’ont pas défini une politique écologique pour l’environnement.
La carrière d’Akbou ne devait pas exister, si on procède à la logique des choses. Entourée d’agglomérations importantes et de terres agricoles, la carrière, avec ses débris et la poussière, constitue une menace majeur pour la santé des populations locales en provoquant des maladies divers : cardiovasculaires, pulmonaires, cancers et d’autres. Elle dévaste également des récoltes agricoles qui se trouvent dans les alentours.
La zone industrielle d’Akbou, qui comprend plusieurs entreprises, participe, elle aussi, à cette débâcle écologique. On signale d’ailleurs le non respect des normes écologiques et l’absence d’une taxe environnement sur ces entreprises polluantes. À coté, des émissions de gaz à effet de serre qui provoquent de grave maladies, les déchets de ces entreprises partent directement vers la rivière de la Soummam. Une rivière polluée par le fait de l’activité industrielle, mais, qui continue, encore, d’être une source d’irrigation pour certains agriculteurs de la région.
Akbou et ses environs sont devenus une poubelle à ciel ouvert. La gestion des déchets est loin d’être maitrisée et la pollution visuelle offre la laideur aux visiteurs.
La végétation est, également, touchée. Des massifs forestiers qui constituent les poumons de la région sont partie en fumée. Cela, sans, aucune intervention réelle et sérieuse de la part des autorités locales et des services concernés pour barricader l’avancée des flammes.
La population locale a bravé le silence en organisant, le 13 SEPTEMBRE 2012 une marche contre les incendies de forets. Cette marche, qui a été initiée par le collectif populaire contre les feux, est considérée comme la première marche écologique dans l’histoire de l’Algérie post coloniale.
Cette volonté populaire et cette conscience écologique doivent être accompagnées par un engagement politique sincère des responsables et élus locaux dans le but de protéger l’environnement et la santé des populations. Tout cela, en pensant aux énergies vertes et à une industrie vertes ou moins polluante.
De leur côté, les industriels doivent, aussi, dépasser leur égo, en pensant à l’intérêt collectif. Mais, y’a-t-il un capitaliste qui pense en socio-écologiste ? Amar BENHAMOUCHE Etudiant en psychologie clinique psychopathologie et santé mentale,
Montpellier III

Yacine et Tamazight... - TAMAZGHA le site berbériste

Hommage à Kateb Yacine
Yacine et Tamazight...
Entretien de Tassadit Yacine (1987).
jeudi 25 novembre 2004
par webmaster
Cet entretien est considéré par certains comme celui où Kateb Yacine s’est montré le plus virulent. Il serait l’entretien où il a été le plus loin dans sa condamnation de l’arabo-islamisme. Les origines amazighes de l’Afrique du Nord sont revendiquées avec force.
L’on retrouve les propos tenus dans l’entretien filmé accordé à Stéphane Gatti (Kateb Yacine, poète en trois langues, film documentaire produit par "La Parole Errante", 2001).
Dans cet entretien, il revient également sur la condition de la femme nord-africaine. Il estime que "c’est l’arabo-islamisme qui a abouti à l’asservissement et à la dégradation de la femme chez nous".
Nous reprenons l’intégralité de l’entretien accordé par Kateb Yacine à Tassadit Yacine en 1987. Cet entretien a été publié dans la revue AWAL (n° 9).
Tassadit Yacine. - Si vous voulez bien, essayons de définir ce que vous apelez la "patrie", l’Algérie.

Kateb yacine. - Nedjma, c’est l’Algérie, la quête de l’Algérie. Est-ce que nous l’avons trouvée ? A mon avis, non. Nous ne sommes même pas capables d’appeler notre pays par son nom. "L’Algérie", ce n’est pas le vrai nom de notre pays. C’est un terme touristique. Ldjazaïr, c’est quoi ?

- "Les Iles"...

- Vous avez vu un pays s’appeler "les Iles" ? Ce sont les Arabes qui l’ont appelé ainsi.

- Oui.

- Nous continuons à nous désigner en termes étrangers, parfois hostiles et même méprisants ou sinon indifférents.

- Vous l’auriez appelé comment ?

- Moi, je préférerais l’appeler Tamazight...
- Tamezgha, c’est le lieu où se pratique le tamazight, qui est la langue... Je crois que Tamezgha a déjà été employé par quelques-uns pour désigner, semble-t-il, un ensemble plus vaste.
- Ldjazaïr ne peut pas être le nom de notre patrie ! C’est touristique.

- Même par rapport au nom ancien de l’Algérie, il y a eu comme une amputation. Au Xe siècle, c’était Djazaïr-Bani-Mazghena, "les Iles" ou "les Ilots des Mazghena" (qui est la forme arabisée d’Imazighen,). [...] Avec le temps, Mazghena a complètement disparu, seul le terme El-Djazaïr est resté.
- Un jour, l’Algérie retrouvera son véritable nom.

- Vous pensez réellement qu’il est bon de revenir sur un fait établi et largement admis...
- Nécessairement. Il suffit de le savoir.

- De ne pas rester dans l’ignorance, c’est bien cela ?
- L’ignorance n’est rien quand on commence à savoir. L’ignorance, c’est quelque chose qu’il faut secouer. Jusque-là, il y a des gens, ça ne leur venait même pas a l’idée Notre tâche, c’est de leur mettre la puce a 1 oreille. C’est de poser enfin ces problèmes-là. Autrefois, on nous disait : "Non, ce n’est pas le moment." Les gens qui nous disaient cela le disaient au nom de quoi ? Au nom de l’unité. On nous disait : "Il ne faut pas diviser." On parle toujours d’unité... Je veux régler ce problème une fois pour toutes.

- Sur quelles bases voulait-on réaliser cette union ? De plus, parler d’"union" voulait dire qu’il y avait désunion. Je ne comprends pas pourquoi ce problème s est pose à votre génération en ces termes...
- Est-ce qu’on doit s’unir sur la base du mensonge et de l’ignorance ou bien sur celle de la connaissance et de l’espérance ? Il faut poser le problème comme ça. Est-ce qu’on doit s’unir pour tuer une langue ou pour la taire vivre ? Est-ce qu’on doit s’unir pour connaître son histoire ou pour l’ignorer ? C’est nous qui sommes pour l’unité, ce ne sont pas eux. Encore faut-il qu’elle se fasse sur quelque chose de vrai ! A ce moment-là, tous ces pseudo-nationalistes apparaissent comme de faux patriotes comme des ennemis même de l’Algérie, parce que, s ils étaient des patriotes, il ne leur viendrait pas à l’idée de se mer eux-mêmes, de nier l’essence même de la patrie ; justement, en tant que bourgeois, ils ont besoin de l’arabo-islamisme parce qu’ils sont complices des envahisseurs étrangers, pour la bonne raison qu’ils veulent continuer à dominer ce peuple. Ils ne veulent pas que ce peuple comprenne parce qu’ils savent que la conscience est une chose qui va loin. Si la conscience s’éveille, elle aboutira nécessairement à la perte de leur pouvoir. Mais la conscience commence à s’éveiller, ça y est, c’est parti.

- Vous êtes peut-être optimiste.
- C’est sûr, c’est parti.

- Vous voulez dire que la méconnaissance de l’histoire, c’est une méconnaissance de soi ?
- C’est un complexe d’infériorité.

- Il est peut-être difficile de voir les choses en face...
- Justement dans ce cas.

- Votre Nedjma, c’est à la fois le pays, l’histoire, la conscience. En arabe, Nedjma, c’est le nom d’une femme. Dans le même ordre d’idée, on peut dire que l’histoire est aussi niée. Comme on a oublié aussi le rôle des femmes pendant la guerre, ils nient l’existence des femmes comme êtres humains. Il y a par conséquent, à mon avis, ce refus de voir les femmes chez nous telles qu’elles sont. Le refus de reconnaître les femmes participe aussi de ce refus de soi. On ne peut pas bâtir une société, une nation, sans l’autre qui est aussi une partie de soi. Comment amputer une partie de soi ? Comment amputer ce pays de ce qui le fait ? Ça revient, comme vous le disiez tout à l’heure, à le nier et à se nier soi-même par la même occasion.
- Qu’est-ce qui est à la base de ça ? Pourquoi en sommes-nous là ? Comment a commencé le malheur ? Il a commencé par les invasions étrangères, et c’a été une suite d’invasions étrangères... Les Romains. Commençons par là, car c’est une période relativement connue. N’oublions pas qu’à un certain moment l’Algérie a été dite "romaine".
Combien de temps les Romains sont-ils restés ?

- Cinq siècles.
- L’Algérie romaine. L’Algérie chrétienne, on en a parlé. On a présenté Saint-Augustin comme un Algérien et, moi, j’ai eu la terrible surprise, après l’indépendance, de voir des personnages officiels faire des conférences à Souk-Ahras sur Saint-Augustin.

- Et alors ? Est-ce une surprise agréable ou désagréable ?
- Moi, j’ai ressenti ça comme un crachat. Pour moi, saint Augustin, c’est Massu, parce qu’il a massacré les Donatistes, ceux qui étaient des chrétiens sincères. Ils avaient pris position pour les insurgés et les ouvriers agricoles qui se battaient contre les latifundia, contre les colons romains, exactement comme nous contre les Français. Saint Augustin a appelé à la répression et la répression a été atroce. C’a été des massacres. Fêter Saint-Augustin, qu’est-ce que cela veut dire ? Pourquoi ? Parce qu’il est né en Algérie ? Dans ce cas-là, Camus aussi est né en Algérie. Et beaucoup de gouverneurs généraux...

- Vous pensez toujours la même chose ? Dans tous les pays du monde, il n’y a pas que les bons, les purs, les courageux qui soient citoyens...
- Bien sûr. Mais, pour moi, c’est un ennemi et c’est tout. Il faut rejeter ça avec la plus grande énergie. Bien sur qu’il ne suffit pas de naître en Algérie pour être un Algérien, surtout si on a travaillé contre son histoire, contre ceux qui l’étaient vraiment.

- A vous entendre, il y aurait encore de nombreux Saint-Augustin aujourd’hui...
- Et l’aliénation vient de la religion, encore une fois. De la même manière, quand on présente la Kahina comme une juive, qu’est-ce que cela veut dire ? Ça, c’est une invention des Arabes.

- Ce serait donc une reconstruction d’après la vision dominante, la vision des vainqueurs ?
- Oui, parce que, pour les Arabes et pour les musulmans, être juif, c’est être le diable. C’est une manière de lui coller une autre religion. Et, de toute façon, elle n’est pas entrée dans l’histoire comme ça. Si elle était entrée dans l’histoire comme juive, ça se saurait. La Kahina n’est pas entrée dans l’histoire parce qu’elle aurait lutté pour le judaïsme... A ma connaissance, non. Elle est entrée dans l’histoire comme nationaliste.

- Lutter pour une religion peut être aussi une forme de nationalisme. Pour ceux qui ont la foi, c’est déterminant.
- II faut réfuter ça énergiquement. C’est pour ça que je suis contre les mythes. Il y a l’histoire, quand même !

- De toute façon, il faut aussi admettre que ce peuple a connu avant l’islam les religions qui étaient là.
- Mais ces religions ont toujours joué un rôle néfaste. Il faut s’y opposer avec la dernière énergie. On les voit maintenant à l’œuvre. On les voit en Israël, en Palestine, on les voit partout. Ces trois religions monothéistes font le malheur de l’humanité. Ce sont des facteurs d’aliénation profonde. Voyez le Liban. Ça se passe devant nous. Regardez le rôle des chrétiens, des musulmans et des juifs. Il n’y a pas besoin de dessin. Ces religions sont profondément néfastes et le malheur de nos peuples vient de là. Le malheur de l’Algérie a commencé là. Nous avons parlé des Romains et des chrétiens. Maintenant, parlons de la relation arabo-islamique ; la plus longue, la plus dure, la plus difficile à combattre.

- Parce qu’elle est constitutive de la culture du peuple ?
- C’est dur de lutter contre une telle couche d’aliénation. Pendant ces treize siècles, on a arabisé le pays mais on a en même temps écrasé le tamazight, forcément. Ça va ensemble. L’arabisation ne peut jamais être autre chose que l’écrasement du tamazight. L’arabisation, c’est imposer à un peuple une langue qui n’est pas la sienne, et donc combattre la sienne, la tuer.
Comme les Français quand ils interdisaient aux écoliers algériens de parler arabe ou tamazight parce qu’ils voulaient faire l’Algérie française. L’Algérie arabo-islamique, c’est une Algérie contre elle-même, une Algérie étrangère à elle-même. C’est une Algérie imposée par les armes, parce que l’islam ne se fait pas avec des bonbons et des rosés. Il s’est fait dans les larmes et le sang, il s’est fait par l’écrasement, par la violence, par le mépris, par la haine, par les pires abjections que puisse supporter un peuple. On voit le résultat.
Quand on prend Ibn Khaldoun... pourquoi on n’a jamais fait une édition populaire d’Ibn Khaldoun ? Je vous propose ça, maintenant : prenez L’Histoire des Berbères, faites une édition populaire d’Ibn Khaldoun. On me dit que c’est dur, etc. Il y a des côtés un peu ardus : les origines des tribus. Si on enlève ces pages-là, il y a des pages lumineuses sur l’histoire. Tenez, par exemple, quand on dit que ce peuple a apostasie douze fois... Ça prouve bien que la pilule n’est jamais passée.

- Il y a eu le phénomène des Bergwata, qui est une prise de conscience manifeste de ce que certains ont appelé une "forme de nationalisme nord-africain". Mais vous ne pouvez pas dire que ces faits culturels islamiques et, par voie de conséquence, arabes ne sont pas assimilés par le peuple. Ils sont partie intégrante - que vous le vouliez ou non - de la culture algérienne et du Maghreb.
- Je ne suis pas d’accord. Les gens croient parce qu’ils n’ont rien d’autre. Il y a beaucoup de choses à dire. Nous sommes pris dans un océan de mensonges. Nous avons un fil pour retrouver la vérité, il y a des siècles de mensonges, et Ibn Khaldoun, c’est très important, parce qu’il était en plein arabo-islamisme, mais il avait l’esprit scientifique.

- Il voyait la réalité telle qu’elle était.
- Pour nous, c’est une source extraordinaire. Il faut la répandre. Il faut que L’Histoire des Berbères d’Ibn Khaldoun soit enseignée. C’est elle qui nous concerne le plus. C’est ça son œuvre fondamentale. Quand on lit ça, on peut arriver aux autres questions aussi.

- Pouvez-vous nous en dire plus ?
- On peut arriver aux femmes. Comment se fait-il que ce peuple ait été dirigé par une femme. Et puis, attention ! Ce peuple, ce n’était pas seulement l’Algérie...

- C’est normal, puisque l’Algérie, la Tunisie, le Maroc sont des créations récentes.
- ... c’était l’Afrique du Nord. Une Afrique du Nord bien plus large que celle qu’on nous apprend, parce qu’elle allait de la Libye jusqu’à l’Afrique. Le Maghreb lui-même est trop restrictif. C’est africain qu’il faut se dire. Nous sommes africains. Tamazight, c’est une langue africaine : la cuisine, l’artisanat, la danse, la chanson, le mode de vie, tout nous montre que nous sommes africains. Le Maghreb arabe et tout ça, c’est des inventions, de l’idéologie ; et c’est fait pour nous détourner de l’Afrique. A tel point qu’il y a maintenant une forme de racisme. D’ailleurs, moi, j’ai découvert avec vraiment beaucoup d’étonnement ici - ce qu’on appelle le Bureau arabe de travail, où l’on organise des séminaires - cette partie de l’Afrique. Un jour, j’ai entendu la musique malienne, j’étais bouleversé d’ignorer ça. C’est honteux. Et pourtant, avec le Mali, nous sommes sur le même palier. Il y a le Niger, le Mali, l’Afrique. Là aussi, on voit l’arabo-islamisme sous sa forme maghrébine occulter l’Afrique, occulter notre dimension réelle, profonde. C’est ce qui est important.

- Revenons un peu aux femmes, voulez-vous ?
- En ce qui concerne la femme, comment se fait-il que ce pays, ce sous-continent, ait pu être dirigé par une femme ? Et comment se fait-il que la femme en soit là aujourd’hui ? Ce n’est pas difficile : c’est l’arabo-islamisme qui a abouti à l’asservissement et à la dégradation de la femme chez nous.

- Je crois que ce n’est pas aussi clair que vous le dites. Les raisons sont hélas multiples et les problèmes complexes.
- C’est très clair. Je ne vois d’autre source que celle-là. Je n’en vois pas d’autres. Au nom de quoi ? Comment se fait-il qu’un peuple qui a été dirigé par une femme puisse aujourd’hui être ce qu’il est ? Je connais une femme qui veut divorcer parce que son mari a pris une seconde femme et qu’il veut la lui imposer chez elle. Elle veut demander le divorce. Or jamais le procureur n’a voulu la recevoir.
J’ai vu une fois de mes propres yeux, ici, au Clos Salembier, une femme sauvagement battue, en pleine rue, à coups de pied dans le ventre, devant tout le monde, à midi. Personne n’a bougé. Pourquoi ?

Parce qu’elle lui appartient, c’est sa femme. Il en fait ce qu’il veut. On ne pourrait jamais voir ça dans aucun autre pays du monde. Ici on appelle ça "être un homme" ! Est-ce que ça fait partie de ce que nous sommes réellement ?

- Je ne crois pas. Mais peut-être faut-il prendre la question autrement : la misère, l’inculture, le passé colonial, la perte de ses racines, etc., tout ça contribue à travestir la culture.
- Ça, c’est l’apport de l’arabo-islamisme. C’est ça la fameuse redjla, le culte de la virilité, le culte de la force.

- Mais ce culte de la virilité existe aussi ailleurs...
- On pourrait trouver d’autres exemples : le fait d’assimiler le travail à la prostitution, et beaucoup d’autres choses qui se passent chez nous et qui montrent bien comment l’arabo-islamisme devient la chaîne qu’il faut briser. Il est ce qui corrompt tout, ce qui souille tout. Évidemment, les gens, maintenant... Le socialisme n’a plus la même force chez nous. Les pouvoirs publics ne s’en réclament pas. Ils ont besoin pour exister de lutter contre les forces de progrès. Ces forces nationales et populaires peuvent être représentées grosso modo par les syndicats, les ouvriers d’un côté, de l’autre par les Kabyles, les Chaouïas, les Imazighen ; voilà les deux ennemis du pouvoir. Puisque ces deux forces, à l’heure actuelle, on veut les combattre, eh bien ! il ne reste plus qu’à s’appuyer sur l’arabo-islamisme. C’est ce qu’on a fait, même si on craint que les démagogues religieux ne prennent le pouvoir. En définitive, le véritable ennemi, c’est nous. Et ça, c’est une logique à laquelle personne ne peut échapper parce que ce pouvoir a peur de deux forces : il a peur du mouvement national et il a peur du mouvement ouvrier. Il a peur qu’il y ait un éveil réel dans les montagnes. Il a peur d’un deuxième Tizi-Ouzou, mais à l’échelle algérienne. Devant les difficultés économiques et, évidemment, les inévitables conflits sociaux qui se profilent à l’horizon, il a peur des syndicats, des ouvriers. A ce moment-là, le pouvoir est condamné à faire le jeu de ses ennemis. Il est condamné à se diviser en forces antagonistes, et c’est comme ça qu’on voit le mouvement intégriste attaquer des écoles de police. C’est comme ça qu’on voit dans les rues des quêtes pour les mosquées, c’est ainsi qu’on voit des privés construire des mosquées, et le pouvoir renchérir à son tour en construisant des mosquées, et les privés de renchérir à leur tour. Ça devient aveuglant, mais il y aura tôt ou tard un phénomène de rejet. Ce peuple a subi bien des assauts de forces qui se croyaient plus grandes et qui apparemment étaient invincibles, mais il n’y avait rien à faire. Le peuple reste lui-même, car les forces sont là.

- Avant d’en arriver à Tizi-Ouzou, voulez-vous dire comment vous avez pris conscience pour la première fois du fait culturel berbère ?
- La première fois ?

- Quel âge aviez-vous ?
- C’était quand j’avais neuf ou dix ans. Nous sommes partis du pays Chaouïa, c’est-à-dire par l’est puisque les Arabes sont arrivés par l’est (ils sont arrivés plus tôt chez nous), l’Est est arabisé plus tôt aussi. A Sedrata, où j’ai passé ma petite enfance, je n’entendais pas parler tamazight. On le parle plus loin mais pas à Sedrata. Ce que je savais sur les Kabyles quand j’étais petit, c’était plutôt péjoratif. Le Kabyle, c’était presque un juif, c’était un étranger, quelqu’un pas comme nous. On ne le percevait pas comme ça. Il y avait même des mots pour le désigner. Tenez : « Leqbayel, leqbayel/Tous, tous/Lgemla ged Ifellus ! »

- Qu’est-ce que ça veut dire ?
- "Les Kabyles, les Kabyles/Tous, tous/Le pou gros comme le poussin !" C’est vraiment péjoratif, et pourtant c’est des Chaouïas qui disent ça. C’est les Imazighen eux-mêmes qui disent ça. Ça peut s’expliquer de mille manières.

- Comment l’expliquez-vous ?
- II faut le comprendre. Ce qu’on sait des Kabyles là-bas...

- On leur reproche d’être paysans, frustes, un peu sauvages...
- Non, souvent ce sont des bourgeois. A Sedrata, il y avait un nommé Azouaou qui représentait les Kabyles. Et Azouaou, c’est une grande ligne d’autocars. Donc ça suscite des jalousies. Les Kabyles qu’on voyait là-bas, c’étaient des Kabyles qui avaient réussi. Il y avait une espèce d’animosité bâtie sur l’ignorance. Je suis parti avec cette enfance-là.

- Quand les avez-vous perçus autrement ?
- Plus tard. Mon père, étant oukil, était muté très souvent. On l’a envoyé à Sétif. Près de Sétif, vers Bougaâ, en Petite Kabylie. Là aussi, c’est un peu arabisé, on ne parle plus tamazight. On arrive au village. Je me souviens, ma mère a vécu ça comme un exil. Elle est éloignée de sa famille. Aller chez les Kabyles, là-bas, c’est un peu dur.
Il n’y avait pas de fontaine à la maison. Il y avait une fontaine publique. Une jeune fille nous amenait de l’eau. Elle ne parlait que tamazight. Elle vient et dit à ma mère :
"A d-awigh aman smmat" ou quelque chose comme ça...
- Oui. .. "Je vais apporter de l’eau fraîche."
- Mais non... ma mère a compris samet ("saumâtre", "fade").

- A Bougaâ, le "d" avec emphase se prononce "t" avec emphase, bien sûr...
- Quand mon père est rentré, ma mère lui a dit : "Tu vois, tu m’as emmenée en exil dans ce pays. Il y a une fille qui m’a proposé de l’eau fade, saumâtre..." Mais, heureusement, mon père parlait bien la langue... Il parlait même l’hébreu ! Il avait un don pour les langues. Il lui a expliqué. Pour moi, c’a été une espèce de coup de foudre.
J’ai découvert mon vrai peuple. J’ai découvert la générosité, la beauté aussi. Tout ce que nous sommes.

- Vous avez vécu dans un village kabyle. Est-ce que ce n’est pas ça qui vous a mené vers le marxisme ? Vous avez été sans doute marqué par cette espèce d égalité apparente, mais trompeuse, qu’il y avait...
- Attention, ce village n’est pas comme ça, c’est un village de colonisation.

- Ça change tout en effet car, dans les villages des montagnes, c’était un peu une forme d’égalitarisme "primitif", mais qui cachait de grandes inégalités sociales. Le berger, le forgeron, le boucher n’ont pas le même statut que le paysan.
- La démocratie peut-être pas, surtout la générosité.

- La solidarité ?
- La générosité, c’est-à-dire que c’était un bon peuple/Mais mon père aussi était très généreux, c’était un peu l’avocat des pauvres. Très souvent, il ne faisait pas payer ses clients. Chez nous, par exemple, à la période de lekhrif (automne)...

- Vous receviez des corbeilles de figues ?
- ... on n’arrivait pas à rentrer à la maison, c’était plein de guêpes. On était envahis de fruits. Tous les fruits de la Kabylie atterrissaient à la maison, des produits de la chasse (perdrix...). Mon père lui-même aimait beaucoup les Kabyles, et puis lui-même était chaouïa. On l’appelait d’ailleurs « le Chaoui ». J’ai commencé à comprendre, mais je ne peux pas dire que j’ai tout compris... En tout cas, je sentais que, l’Algérie, c’était ça et pas autre chose ; par la suite, j’ai mieux compris.

- A quelle période ?
- Surtout dans l’émigration. Comme par hasard, à chaque fois que des gens me soutenaient, c’était toujours des Kabyles ou des Chaouïas.

- Pouvez-vous nous relater un de ces moments ?
- Quand je suis arrivé à Paris, j’avais un peu d’argent, mais je l’ai tout de suite dépensé. Un matin, je me suis retrouvé sans un sou, je devais quitter l’hôtel. Je ne savais pas quoi faire. J’ai rencontré un copain avec qui j’avais été en prison. J’étais catastrophé. Il me dit : "Ne t’en fais pas, il y a des compatriotes ici." Les Algériens de ce temps-là se connaissaient tous entre eux. Ils étaient presque regroupés par quartier. Les gens de Petite Kabylie, c’était le XIIIe. C’était rue du Château-des-Rentiers. C’était quelqu’un de l’Étoile nord-africaine, un vieux militant, analphabète, tuberculeux, vivant avec une femme de l’ancienne France, aristocrate qu’il appelait "Mme Jeanne". Elle était très cultivée. Elle était paralytique... C’était formidable. Ils avaient un café dans une espèce de cave. C’était le refuge de tous les Algériens en Europe : les chômeurs, les malades, les tuberculeux...

- C’est une rue qui porte bien son nom.
- C’était au numéro 213. En ce temps-là, il y avait beaucoup de bistros algériens. La plupart, c’étaient des Kabyles. C’étaient les plus pauvres qu’on retrouvait dans l’émigration. Petit à petit, avec la chanson et tout ça, je commençais à me sentir bien parmi eux ; je suis devenu l’écrivain public.

- Il s’appelait comment, le mari de Mme Jeanne ?
- Slimane. C’était pathétique. Il avait plus de soixante ans. Il m’a pris chez lui, c’était très pauvre, on mangeait des pois chiches sans viande, etc. Il n’empêche que, tous les jours, il me payait un paquet de Gauloises, mes journaux... Il était assoiffé d’informations, de politique, de nouvelles du pays. Et, comme il a vu que je m’intéressais à la politique, nos intérêts convergeaient. Il se serait ruiné rien que pour m’acheter des journaux. En retour, j’écrivais des lettres, je leur lisais les journaux, et puis, petit à petit, on s’est organisés pour le Front. A l’époque, c’était le Parti communiste algérien qui voulait créer le Front national démocratique (une des préfigurations du FLN). Un jour, j’ai décidé de faire un meeting et les nationalistes (les messalistes) me sont tombés dessus à coups de bâton. Bref, l’expérience a mal tourné, mais, à ce moment-la, j’ai vu ceux qui avaient eu maille à partir avec le Parti parce qu’ils étaient berbéristes. Il y avait un grand du Parti (il était actif dans le nord et l’est de la France) qui s’est jeté dans la Seine après l’indépendance. Il y avait beaucoup de choses : plus ça allait, plus je commençais à comprendre. Une des choses les plus terribles, c’est que, le vieux, je ne l’ai plus revu par la suite. J’ai quitté la France, je suis venu en Algérie. Quand je suis reparti en France, la cave n’existait plus, j’ai retrouvé Slimane garçon de café dans un autre truc du XXe, il m’a servi. Il était tout tremblant.

- Il vous a reconnu ?
- Bien sûr... C’est terrible... Quand on rencontre des gens comme ça, on voit où en est l’Algérie. Evidemment, après l’indépendance, je voyais ce problème et naturellement, comment le poser. J’ai pensé à le poser au théâtre puisque je voyais que, dans la chanson, il y avait déjà un très fort mouvement. C’était au temps ou il y avait Idir ‘(A vava inou va). C’est là que j’ai compris le rôle de la chanson en Algérie. En tamazight, c’était frappant ; c’est dans cette langue-là qu’il y avait un très fort mouvement. Ce n’est pas un hasard... je connais bien ça. Et puis je voyais à Alger... Qu’est-ce que c’est, Alger ? C’est la Kabylie. C’est la différence avec l’Aurès. Les gens croient que l’Aurès, c’est moins sensible. Ce n’est pas vrai. L’Aurès a la même sensibilité, mais seulement l’Aurès est loin d’Alger. Ici, si quelque chose se passe en Kabylie, une demi-heure après, une heure après, tout Alger l’apprend.

- C’est-à-dire que l’Aurès n’a pas investi de façon systématique les grandes villes de l’Est.
- Oui, même si ce sont de grandes villes, ce n’est pas la capitale, et puis c’est plus loin. L’Aurès, d’Annaba, c’est loin, et même de Guelma. Mais, ici, la montagne est à côté ; si quelque chose se passe ici, les montagnards sont là une heure après. Ça, c’est une force. C’est ainsi qu’avec ma troupe j’ai pris contact avec les étudiants, et j’ai compris que ce problème devait être posé. Ainsi, pour le vingtième anniversaire de la révolution, on a fait La Guerre de deux mille ans. On a mis l’histoire de la Kahina au théâtre. On l’a traduite en tamazight. Il y a même eu une expérience en tamazight de Mohamed prend ta valise qui a été jouée avec le plus grand succès à Tunis.
Mais il faut reconnaître que c’est mon séjour au Vietnam qui m’a renforcé dans cette idée. En revenant du Vietnam (en 1970), je suis allé en Syrie et, dans la rue Abd-el-Kader-el-Djazaïri, j’ai entendu parler en tamazight... En plein Damas ! Pourquoi ? Les Kabyles, les vrais compagnons d’Abd el-Kader, ceux qui l’ont suivi dans l’exil jusqu’à la mort, ils sont là-bas. Ce sont les femmes, les vieilles femmes, qui ont sauvegardé la langue, et c’est comme ça qu’on continue à parler tamazight à Damas. Toutes ces choses se retrouvent.

- Les Kabyles, c’est à croire qu’on les retrouve partout : en Tunisie (émigrés au siècle dernier), au Maroc, depuis l’entrée desTurco-Ottomans,etensuitedesFrançais,enSyrie, et même en Nouvelle-Calédonie !
- Une autre fois, je revenais de Bulgarie. Dans l’avion, au retour - l’avion s’arrêtait à Alger mais il allait aussi au Maroc. J’étais assis à côté d’un Marocain. On a commencé à parler, on a parlé de Tizi-Ouzou. Il m’a dit qu’au Maroc Tizi-Ouzou avait été un vrai coup de tonnerre. Ça a beaucoup frappé le peuple, le fait que le peuple algérien ait bougé pour sa langue. Là-bas, c’est la langue par excellence, surtout dans les montagnes, le Rif.
J’ai appris très récemment qu’à Toulouse il y a une forte activité en tamazight. Ils ont fait salle comble dans un théâtre. Un type m’a dit que, là-bas, il y avait des Algériens, des Marocains, et même des Libyens. Tout ça, c’est très prometteur. Maintenant, c’est à nous de concrétiser cette force, de lui donner une expression, de la rendre évidente pour tous. Ça ne fait que commencer. De toute façon, nous, ce n’est pas le pouvoir qui nous intéresse, c’est plutôt la conscience, la prise de conscience detout un peuple. Que faire du pouvoir si on ne sait pas où on doit aller ni ce qu’on doit faire ? Et que sommes-nous exactement ? Il faut expliquer inlassablement les choses, les mettre au clair. Tout en sachant que ça durera certainement longtemps, car c’est une lutte de longue baleine. Mais les choses vont certainement plus vite qu’on ne le croit. Il faut aussi compter avec les erreurs de nos ennemis. Rappelez-vous ce qui a été à l’origine de Tizi-Ouzou... C’est cette balourdise incroyable d’un ouali qui ose interdire une conférence sur la poésie ancienne des Kabyles. C’est les erreurs de nos ennemis qu’il faut comptabiliser. Quand ils font des bêtises comme ça, nos ennemis parfois nous donnent de l’espoir. Oui, ils ne manquent pas de faire des bêtises, d’humilier les gens, de manifester leur mépris, leur ignorance, leurs préjugés, et c’est ça qui va préparer le terrain à la prise de conscience, puisqu’ils continuent. Ils n’ont pas compris, ils ne vont jamais comprendre, et, par là même, ils sont condamnés à commettre toujours les mêmes erreurs.

- Vous croyez ?
- Ah oui ! Les choses vont beaucoup plus vite à notre époque qu’autrefois. Il faut apprendre à manier les armes que nous avons. Il y a des armes comme le magnétophone.

- La caméra, la vidéo...
- La révolution a été beaucoup aidée par le transistor, la radio, etc. Puisque nous avons ces armes entre les mains, il faut nous en servir.



Propos recueillis par Tassadit YACINE.


Source : AWAL, n° 9, Paris, 1992.
Repris dans : Kateb Yacine, Le poète comme un boxeur. Entretiens 1958-1989, Editions du Seuil, Paris, 1994. Textes réunis et présentés par Gilles carpentier avec le concours de l’IMEC.

P.-S.

Cet entretien est repris avec l’aimable autorisation de Tassadit Yacine, Directrice d’AWAL, Cahiers d’études berbères.
Dans l’ouvrage "Le poète comme un boxeur", l’entretien est intitulé "C’est africain qu’il faut se dire".