lundi 13 janvier 2014

Tizi-Ouzou : la marche du MAK à l’occasion de Yennayer empêchée par le régime d’Alger

13/01/2014 - 16:12 mis a jour le 13/01/2014 - 16:12 par Saïd Tissegouine
Ils étaient hier plusieurs centaines de citoyennes et citoyens kabyles à se rassembler devant le portail de l’université Hasnaoua I en vue d’effectuer une marche à travers les ruelles de Tizi-Ouzou laquelle a été initiée et programmée par le conseil universitaire du MAK. Même les représentants de la communauté M’zab de Ghardaia étaient au rendez-vous.
Ce qui devait être une fête, car l’action s’inscrivait en droite ligne avec l’authenticité historique des peuples de l’Afrique du nord, kabyle notamment, se transforma, hélas, par l’entêtement du régime d’Alger à vouloir poursuivre sa politique aventuriste aux lendemains absolument incertains, en cauchemar et en terrible frustration. En effet, tôt dans la matinée, une armada de policiers, armés jusqu’aux dents, boucla le passage que devaient emprunter les manifestants. Et à fur et à mesure qu’arrivaient les manifestants, l’étau policier se resserrait durement autour du point du rassemblement.
Et à l’heure prévue initialement pour le coup d’envoi de la marche pacifique, les policiers, avec leurs lourds boucliers et gourdins aussi grands et aussi durs que les battes de base balle, bousculèrent et acculèrent davantage les manifestants vers le mur d’enceinte de l’université, et avec en prime, des agressions verbales.
Leur chef, originaire d’Aït Khellili, daïra de Mekla lequel est connu pour sa haine viscérale à l’endroit des militants du MAK, s’est montré plus agressif et plus désagréable que les autres. Cependant, cet empêchement de la marche s’est transformé en un mémorable meeting, et, par conséquent, les résultats ont été fort probants. En effet, les cadres et dirigeants du Mouvement pour l’Autonomie de la Kabylie (MAK), à leur tête, Bouaziz Aït-Chebib, et les délégués du peuple mozabite, se sont succédés dans la prise de parole où le verbe a été fortement conjugué.
C’est Bouaziz Aït-Chebib qui ouvrira le bal. Le premier responsable du MAK dira : « Ce Yennayer est organisé sous le signe de la fraternité amazighe. Non seulement nous dédions cette manifestation au peuple mozabite qui subit l’apartheid du régime algérien mais il se trouve aussi qu’une forte délégation mozabite est présente avec nous aujourd’hui en ce lieu pour dénoncer ensemble l’oppression et la répression que subissent tous les peuples amazighs à travers toute l’Afrique du Nord. Nous soutenons les Mozabites parce que d’abord et avant tout, ils constituent un peuple opprimé et sont nos frères, ensuite le peuple kabyle est solidaire avec tous les peuples opprimés à travers le monde. Depuis l’année I962, les Mozabites, à l’instar de tous les peuples amazighs d’Algérie, subissent la politique d’arabisation et de dépersonnalisation de la part de l’Algérie arabe qui s’est substituée à l’Algérie française. Houari Boumediène est allé jusqu’à tenter de supprimer l’hymne national algérien, Kassamane, pour la simple raison qu’il a été composé par un Mozabite, feu Moufdi Zakaria en l’occurrence, lequel est mort en exil (Tunisie). Et si les peuples berbères sont victimes du néocolonialisme, c’est pour la simple raison qu’ils ne disposent pas de leurs propres Etats. C’est pourquoi aussi, nous appelons l’ensemble des peuples amazighs à mettre sur pied une organisation devant mener une lutte pour assurer leurs droits respectifs à l’autodétermination ».
A l’écoute de ces mots qui pénètrent les cœurs, la foule pousse des slogans si forts et si répétitifs que l’orateur a été obligé de s’interrompre un moment. En effet, des centaines de voix aussi bien masculines que féminines scandent en chœur : « Kabylie autonome ! », « Pouvoir assassin ! », « l’Algérie n’est pas arabe ! », (« … »).
Abordant ensuite le volet portant sur les élections algériennes d’avril prochain, le président du MAK dira : « La Kabylie n’a pas pris part aux élections présidentielles précédentes. Et elle rejettera de la même manière celles d’avril prochain ».
Se voulant plus explicite sur la revendication de l’autodétermination, l’orateur criera que « Bouteflika n’est pas le président du peuple kabyle et son successeur ne le sera pas non plus ! ».
Mettant ensuite le cap sur la puissance et la légitimité du MAK, Bouaziz Aït-Chebib affirmera que « le MAK a démontré, encore une fois, qu’il est la seule force d’opposition qui incarne les aspirations du peuple kabyle et son statut fait qu’il constitue le trait d’union entre les différents peuples amazighs ».
S’agissant du monde arabo-musulman en Afrique du Nord qui n’est qu’imaginaire et chimérique, le président du MAK l’expliquera par ces faits et événements : « Après l’exigence des Berbères libyens d’avoir leur propre Etat et la volonté du peuple mozabite d’emprunter la voie du MAK, cela prouve d’une façon on ne peut plus claire que notre démarche est valable aussi pour les autres peuples amazighs ». « Nous menons un combat d’une façon civilisée dans un environnement barbare. Quand un régime oppresseur use d’une répression féroce, cela signifie que ses victimes sont près de mettre fin à cette barbarie. Et c’est notre cas justement, nous, peuple kabyle », a poursuivi Bouaziz Aït-Chebib avant de tourner ensuite en dérision le régime d’Alger dont la propagande ne porte guère mieux qu’un pet de lapin : « Quand on parle du MAK, le pouvoir algérien répond qu’il n’existe pas. Si réellement le MAK n’existe pas, pourquoi alors il mobilise un dispositif répressif aussi important à chaque fois qu’il (MAK) appelle à une marche ? Est-ce donc à comprendre qu’il réprime des fantômes ? ».
A ce moment, les manifestants et les policiers éclatent de rire. « Je suis dans la contrainte de faire du néologisme en introduisant le mot « fantômage » car si on se limite aux explications du pouvoir, on ne peut que déduire qu’il fait dans ce « fantômage », a poursuivi le président du MAK avant de conclure avec sérieux : « La propagande du pouvoir vis-à-vis du MAK ne trompe personne ! ».
Pour sa part, Hocine Azem, après avoir souhaité la bienvenue aux délégués mozabites « en terre de Lounès Matoub et Ferhat M’henni », a dénoncé le régime algérien qui a toujours préféré « la solution policière à la solution politique ». Ensuite, il lancera un appel au peuple mozabite de constituer un mouvement politique lequel se chargera de la demande de l’autodétermination. « La destinée du peuple mozabite est entre les mains des Mozabites ! », a conclu l’intervenant.
Razik Zouaoui dira en ce qui le concerne que « Bien que nous luttons pour la liberté du peuple kabyle, il n’en demeure pas moins que nous nous montrons infailliblement solidaires avec les autres peuples amazighs. Et la libération de la Kabylie de ses oppresseurs sera un prélude à la libération de tous les peuples deTamazgha ».
Farid Djennadi, en dépit de son état encore frileux –une fièvre l’a cloué durant quatre jours au lit – trouvera la force nécessaire pour crier assez fort que le combat du peuple kabyle pour son autodétermination est juste et légitime. De même, l’intervenant incitera non seulement les kabyles à poursuivre leur lutte pour s’affranchir du joug du régime arabo-islamique d’Alger, mais aussi les autres peuples amazighs à se soulever contre les dictatures qui les opprime, « car il va de la survie et la dignité de chacun ».
Quant au président du conseil universitaire de Tizi-Ouzou, Mouloud Hamrani, il commencera par fustiger les policiers kabyles qui sous prétexte de gagner un salaire se sont enrôlés dans les forces répressives du pouvoir. « Nous, nous ne sommes pas enrôlés dans la police pour matraquer et réprimer nos frères et pourtant personne d’entre nous n’a crevé de faim », a martelé l’intervenant avant de dénoncer la politique du régime algérien vis-à-vis de la Kabylie et des autres peuples amazighs d’Algérie, notamment les Mozabites. Mouloud Hamrani, en parfait tribun, s’attaquera ensuite à ceux considérant, pour l’heure, que Yennayer est une simple journée de fête. « Nous sommes encore en lutte car le moment à la fête n’est pas encore arrivé », a crié le président du conseil universitaire qui, pour appuyer le bien-fondé de sa thèse, citera Adam Smith, le 2e président des Etats-Unis d’Amérique, qui, interrogé par une souveraine française sur son éventuel penchant pour les arts et les lettres, aura répliqué que les arts et les lettres n’étaient pas pour lui car il avait des préoccupations plus majeures (…). Analysant ensuite les moyens et la méthode opposés par le régime algérien à la démarche du MAK, Mouloud Hamrani conclura : « le dispositif répressif que nous constatons aujourd’hui démontre la faiblesse et non la force du pouvoir ! ».
S’agissant enfin de l’intervention des délégués mozabites, elle s’est focalisée sur deux points fondamentaux. Le premier a trait à la volonté du peuple mozabite de vivre dans le cadre de ses propres valeurs culturelles et, par conséquent, sa volonté à aller vers son autodétermination ». La seconde : des éclaircissements sur la manière dont ont été réprimés les manifestants mozabites. Les délégués ont témoigné sur les tortures subies par les citoyens mozabites dans les commissariats de police. Selon les témoignages de ces délégués, des policiers ont même perpétré des viols sur des manifestants à l’intérieur des commissariats. Pratiquer des actes de sodomie sur un homme est la pire des tortures. En 2001, les gendarmes ont torturé de cette manière les jeunes gens en Kabylie. En 2013, ce sont les policiers qui l’ont fait à Ghardaia.
Au cours de la guerre d’indépendance de l’Algérie, les militaires français – et encore pas tous – ont commis des abus sexuels sur des femmes. Dans l’Algérie de Bouteflika où l’idéologie arabo-islamiste est véhiculée par des appareils, le viol sexuel touche aussi les mâles. L’ultime question qui reste posée à présent est de savoir si le Général Abdelghani Hammel, l’homme qui a dirigé la prestigieuse Garde Républicaine, avait donné son aval pour cette forme de torture ?

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